Tout comme elle n’est plus libre de se présenter à une élection, Marine Le Pen ne sera bientôt plus libre de ses mouvements. Condamnée par le tribunal correctionnel de Paris, lundi 31 mars, à une peine d’inéligibilité de cinq ans, avec exécution immédiate, la cheffe des députés RN devra aussi purger une peine d’emprisonnement de quatre ans, dont deux ferme aménagée sous bracelet électronique. Mais sa décision de faire appel suspend la mise en œuvre d’une telle mesure, qui ne sera donc effective qu’une fois la décision devenue définitive.
Si la cour d’appel confirmait la condamnation, Marine Le Pen serait alors contrainte de demeurer dans un lieu précis en portant le fameux bracelet avec un émetteur relié à une alarme. C’est le juge d’application des peines qui déterminerait le lieu de l’assignation et les horaires de sortie, en semaine et le week-end. Par exemple, un condamné peut être autorisé à sortir de chez lui entre 7 heures du matin et 18 heures le soir, afin de pouvoir se rendre à son travail. Une situation loin d’être inédite en politique où plusieurs condamnés ont déjà fait l’objet de cet aménagement.
Nicolas Sarkozy
Le plus emblématique d’entre eux, Nicolas Sarkozy, a reçu son bracelet électronique le 7 février dernier. Condamné dans l’affaire dite des écoutes, l’ancien président avait vu son pourvoi en cassation rejeté, le 18 décembre 2024, rendant définitive sa condamnation à un an de prison ferme, aménagée donc, pour corruption et trafic d’influence. Le bracelet désormais posé, il ne peut quitter son domicile qu’entre 8 heures et 20 heures et jusqu’à 21 h 30 les jours d’audience du procès dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne 2007, pour lequel il est prévenu devant le tribunal correctionnel de Paris jusqu’au 10 avril.
Décryptage
Dans la foulée de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, son avocat, Patrice Spinosi, avait annoncé que l’ancien chef de l’Etat saisirait la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) «pour obtenir la garantie des droits que les juges français lui ont déniés». C’est chose faite. La CEDH a enregistré, le 26 mars, la requête de Nicolas Sarkozy. Une procédure qui ne débarrasse pas l’ancien locataire de l’Elysée de son bracelet puisque ce recours n’est pas suspensif de la peine prononcée.
Patrick Balkany
Qualifie «d’ami d’enfance» par Nicolas Sarkozy, l’ancien maire de Levallois-Perret a lui aussi porté un bracelet électronique entre 2021 et 2022. L’ancien député des Hauts-de-Seine avait été condamné à quatre ans de prison dont un avec sursis, assortis de dix ans d’inéligibilité. Accusé de fraude fiscale, Patrick Balkany avait commencé à purger sa peine à la prison de la Santé, à Paris, avant d’être libéré, cinq mois plus tard, à cause de son état médical. L’ancien élu de droite avait alors vu sa condamnation aménagée avant d’être de nouveau incarcéré en 2022, à la suite de nombreuses infractions.
En s’éloignant de la zone délimitée par la justice, Patrick Balkany avait fait sonner son bracelet à de multiples reprises. «Quand le portail sonne, j’ai besoin d’aller au portail, prendre le courrier quand c’est le facteur, pour les livraisons», avait-il notamment déclaré pour justifier ces manquements. Pas convaincue, la cour d’appel de Rouen avait renvoyé le baron de Levallois-Perret derrière les barreaux pendant six mois, de février à août 2022.
Jérôme Cahuzac
Il avait pourtant juré «les yeux dans les yeux» qu’il n’avait jamais eu de compte en Suisse. L’ancien ministre socialiste du budget, Jérôme Cahuzac, avait été condamné en appel, le 15 mai 2018 pour «fraude fiscale» et «blanchiment de fraude fiscale». Ecopant de quatre ans de prison dont deux ferme assortis de cinq ans d’inéligibilité, l’ancien député du Lot-et-Garonne n’avait pas eu à passer par la case prison. Il avait toutefois dû porter un bracelet électronique et être assigné à résidence à son domicile corse.
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Autorisé par l’ordre des médecins à exercer la médecine générale, le chirurgien de formation avait été temporairement libéré lors de la pandémie de Covid-19 pour exercer à plein-temps à l’hôpital de Bonifacio. Le 8 septembre 2020, la cour d’appel de Bastia avait confirmé sa libération conditionnelle et débarrassé Jérôme Cahuzac de son bracelet.
Georges Tron
Lui aussi avait été rattrapé par la justice alors qu’il était encore en fonction au gouvernement. L’ancien secrétaire d’Etat à la fonction publique avait été contraint de démissionner en mai 2011, visé par des accusations de viols. L’ancien maire de Draveil (Essonne) et son ex-adjointe à la culture, Brigitte Gruel, avaient été reconnus coupables d’avoir imposé des attouchements et pénétrations digitales en novembre 2009 et janvier 2010 sous couvert de séances de réflexologie plantaire.
Georges Tron avait été condamné en appel le 17 février 2021 à cinq ans de prison, dont trois ferme, pour viol et agression sexuelles en réunion sur Virginie Ettel, son ancienne collaboratrice. Grâce à un aménagement de peine, l’ancien maire Les Républicains, qui avait continué de diriger sa ville depuis sa cellule avant de démissionner, avait pu quitter la prison de la Santé le 29 mars 2022, sous bracelet électronique.
Jean-Noël Guérini
Maire de secteur à Marseille, président du conseil général des Bouches-du-Rhône et sénateur, Jean-Noël Guérini semblait indéboulonnable dans son fief du sud de la France. Pourtant, treize ans après le début de la procédure lancée contre lui, l’ancien socialiste passé chez les centristes avait dû démissionner de son dernier mandat, à la Chambre haute, le 21 mars 2024.
Une semaine plus tôt, la Cour de cassation avait scellé son destin politique en confirmant sa condamnation à trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis. Une peine exécutable à domicile sous bracelet électronique, assortie de cinq ans d’inéligibilité pour le trucage de marchés publics. En confirmant la décision de la cour d’appel rendu en mars 2022, la Cour rendait ainsi le jugement définitif, éliminant toute possibilité pour l’élu marseillais de poursuivre son mandat de sénateur.
Sylvie Andrieux
Si les bracelets électroniques ont orné les chevilles et les poignets d’une large majorité d’hommes, Marine Le Pen ne serait pas la première femme à en porter un. En 2016, la députée socialiste des Bouches-du-Rhône avait été définitivement condamnée par la Cour de cassation à quatre ans de prison dont trois avec sursis, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Elle aussi pour détournement de fonds publics.
L’élue des quartiers nord de Marseille, un temps vice-présidente du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait distribué quelque 700 000 euros de subventions régionales à des associations fictives. Les fonds, versés entre 2005 et 2008, servaient à soutenir le train de vie des dirigeants de ces associations. En retour, ces derniers devaient aider Sylvie Andrieux à se faire élire.
François Fillon
Il y a échappé, pour le moment. Si l’ancien Premier ministre a été définitivement jugé coupable de détournement de fonds publics, en 2024, dans l’affaire des emplois fictifs d’assistante parlementaire de son épouse Penelope, François Fillon ne connaît toujours pas sa peine. En appel, le Sarthois avait notamment été condamné à quatre ans d’emprisonnement, dont un an ferme qui aurait pu être aménagé.
Mais la Cour de cassation avait estimé que la cour d’appel de Paris n’avait pas suffisamment motivé la partie ferme de la peine infligée à l’ex-ténor LR. La sanction devait être réexaminée le 25 novembre dernier mais l’avocat de l’ancien locataire de Matignon avait été opéré du dos, d’urgence, la nuit précédente. Au vu de l’incapacité de l’avocate à défendre son client, le report avait été demandé et accepté. Il faudra donc attendre le 29 avril pour savoir si François Fillon portera, lui aussi, un bracelet électronique.