Entre Nouméa et Paris, le président de la République a livré à bord de l’Airbus A 330 ses analyses au journaliste du Fig Mag, qui les publie ce mercredi 2 août. Malgré des «zones de turbulence», quelques «secousses à l’atterrissage» et le suivi en live de la crise au Niger, Emmanuel Macron revient longuement sur les émeutes urbaines de la fin juin, le projet de loi immigration, la suite de l’action du gouvernement à la recherche de majorités relatives à l’Assemblée. Et précise sa promesse d’une «initiative politique d’ampleur» pour «faire nation».
L’ordre, l’ordre, l’ordre ?
Le Président entend «remettre» de l’«autorité démocratique», de l’«autorité à l’école» et de l’«autorité parentale» face au «délitement de la famille». C’est ainsi qu’Emmanuel Macron est revenu sur son très cryptique tryptique «l’ordre, l’ordre, l’ordre», martelé lors de son interview du 24 juillet en duplex de Nouméa sur France 2 et TF1. «On ne peut pas faire nation si on n’a pas confiance dans la parole publique, si on n’a pas confiance dans les autorités, dans ses parents, dans ses maîtres, lance-t-il. L’ordre ne se réduit pas à sa pointe immergée, la police et la justice», affirme le président de la République.
Les émeutes, la sociologie de leurs auteurs, les solutions
Pour Emmanuel Macron, ces émeutes ont révélé «une crise de civilisation» et «un dérèglement dans nos sociétés». L’une des causes selon lui : les réseaux sociaux qui «créent des meutes», «suppriment l’autorité» et accélèrent la «décivilisation». Le Président assume de ne pas avoir réagi pendant la crise, «parce que dans les moments d’émotion, on est sommé de choisir son camp», dit-il. Avant de donner son analyse du profil des personnes interpellées. «Près de 75 % des jeunes déférés à la justice étaient à l’aide sociale à l’enfance, soit des jeunes de familles monoparentales, sans compter les mineurs non accompagnés, mais ceux-ci étaient très peu nombreux dans les émeutes. C’est un immense défi pour nous parce que c’est la société de demain», pointe le chef de l’Etat.
Pas question de «supprimer les allocations familiales» comme le défendent Les Républicains. Cette proposition «idéologise le débat» et risquerait même «d’aggraver le problème», juge-t-il. Pour lui, la solution est la suivante : «On doit accompagner ces familles, donner beaucoup plus de moyens, mieux les préparer, et en même temps les responsabiliser.» Avec des politiques de sanction lorsque les parents sont «vraiment dans l’irresponsabilité».
Ne pas confondre immigration et intégration
Face à ceux qui pratiquent l’amalgame entre l’immigration et les émeutes, le président de la République appelle à «ne pas confondre immigration et intégration» tout en reconnaissant que le pays a «très clairement un problème d’intégration». «Ces émeutes ne sont pas un sujet d’immigration actuelle. C’est un sujet plus large de difficultés de certaines villes, de difficultés socio-économiques, de difficultés d’intégration dans certains cas et de fonctionnement de la démocratie à l’heure des réseaux sociaux», affirme-t-il.
Avant de souligner qu’en regardant les choses de manière «lucide», «90 % des personnes interpellées sont des Français. Après, on n’a pas de statistiques ethniques dans notre pays. Il y a des Français issus de l’immigration, d’autres qui ne sont pas issus de l’immigration».
Une «initiative politique d’ampleur» avant la fin de l’été
«C’est un temps nouveau qui doit s’ouvrir dans la vie du pays. J’ai été élu sur une promesse d’émancipation, de modernisation de la France, d’éclater certains tabous. Ce qu’on a fait avec des résultats, surtout sur la partie économique et sociale. Maintenant, on voit bien que quelque chose se joue, qui est de l’ordre non pas du “vivre ensemble”, je n’aime pas ce terme, mais de “faire nation”». Voilà comment le chef de l’Etat détaille la feuille de route de la suite de son quinquennat, appelant à des «actes d’unité». Il a d’ailleurs annoncé prendre «à la fin du mois une initiative politique d’ampleur», invitant les partis d’opposition à rejoindre son projet de «faire nation». Sans en dévoiler plus pour l’instant.
Aucune volonté de «créer des coalitions» selon Macron, mais «d’essayer de réunir autour d’un projet clair et simple tous ceux qui veulent s’y retrouver, sans leur demander d’adhérer à tout», rappelant que la France va accueillir «de grands évènements sportifs» tels que la Coupe du monde de rugby ou encore les Jeux olympiques.
A lire aussi
Néanmoins, au sujet de la loi immigration dans les tuyaux, Emmanuel Macron se montre inflexible. Face aux menaces de motion de censure notamment de la droite, le Président n’exclut pas un nouveau recours au 49.3 afin de faire adopter sa loi. «Je ne veux pas être bousculé par des majorités de fortune ou des blocages […] J’utiliserai ce que la Constitution me permet de faire», avertit le chef de l’Etat.
Au sujet de sa première ministre Elisabeth Borne, le président de la République se fait un poil plus chaleureux que lors de ses précédentes interventions télévisées. Il salue une femme «de très grande qualité, courageuse», rappelant qu’il a «choisi [ses] trois premiers ministres […]» et que ces derniers ont bénéficié de sa «confiance de la première à la dernière seconde» de leur séjour à Matignon.
Emmanuel lost in the air ?
Un peu down Macron ? Ou est-ce l’effet de l’altitude ? Avant de se poser à Brégançon où il prend des vacances au bord de la Méditerranée depuis le 29 juillet, le président de la République a employé moult expressions «teintées de pessimisme», s’inquiète le journaliste du Fig Mag, fort compatissant (et plein de gratitude pour l’Elysée qui lui a accordé cet entretien au long en exclu). Tout au long de ses échanges, le chef de l’Etat s’est alarmé de «ces sociétés modernes et postmodernes», qui ont selon lui «affaibli des structures qui rassuraient» telles que «la famille» et «les religions». Le procès en mépris qu’on lui fait ? Pour lui, rien d’autre que l’expression d’un consumérisme politique. «Le danger, c’est qu’on entre dans une société où, au fond, chacun est victime de quelque chose, et ce qu’il vit est irréductible, irreprésentable, et donc intraitable. J’ai beaucoup de défauts, parfois je m’emporte. Mais je ne crois pas du tout être méprisant. Je ne l’ai jamais été.» Si lui-même le dit.