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Ce que l'on sait

Soupçonné d’avoir drogué une députée à des fins sexuelles, le sénateur Joël Guerriau mis en examen et placé sous contrôle judiciaire

Le sénateur de Loire-Atlantique a été mis en examen vendredi 17 novembre pour «administration à une personne, à son insu, d’une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes, afin de commettre un viol ou une agression sexuelle». «Libération» fait le point sur ce que l’on sait sur cette affaire.
Le sénateur Joël Guerriau, en 2020. (David Niviere/Abaca)
publié le 17 novembre 2023 à 17h53
(mis à jour le 17 novembre 2023 à 21h58)

Le sénateur Joël Guerriau (Horizons), soupçonné d’avoir administré de la drogue à la députée de Loire-Atlantique Sandrine Josso (Modem) à son insu, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, vendredi 17 novembre au soir, pour «administration à une personne, à son insu, d’une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes, afin de commettre un viol ou une agression sexuelle» et «détention et usage de substances classés comme stupéfiants», a indiqué l’avocat du sénateur à France Info.

Le parlementaire avait été mis en garde à vue jeudi dans cette affaire, après une plainte de Sandrine Josso. Samedi, «profondément choqués par les faits à l’origine des accusations», les membres du bureau politique d’Horizons ont décidé «à l’unanimité» de suspendre le sénateur du parti. Libération fait le point sur ce que l’on sait sur cette affaire.

Que s’est-il passé ?

La plaignante se serait sentie mal après avoir pris un verre dans la nuit de mardi à mercredi au domicile parisien du sénateur, âgé de 66 ans, avec qui elle n’entretenait pas de relation intime, d’après le parquet. Selon son avocate, Sandrine Josso a été «prise de malaises après avoir bu une coupe de champagne», éprouvant aussi des sueurs froides et sentant son rythme cardiaque s’accélérer. Elle aurait ensuite aperçu Joël Guerriau «se saisir d’un petit sachet en plastique contenant quelque chose de blanc, dans un tiroir de sa cuisine». «Elle a alors compris qu’il était en train de la droguer à son insu», affirme son avocate Me Julia Minkowski.

La députée prend peur et quitte les lieux vers 22 heures pour se rendre à l’Assemblée nationale. Arrivée sur place, elle explique la situation à deux de ses collègues et les secours arrivent rapidement. Sur place, elle subit une première série d’examens qui confirment que l’élue a les pupilles très dilatées et un rythme cardiaque élevé. Conduite à l’hôpital Lariboisière, dans le Xe arrondissement de Paris, la députée est soumise à une prise de sang et des analyses urinaires qui révèlent la présence d’ecstasy, a annoncé jeudi le parquet de Paris, confirmant une information de RMC.

«Sandrine Josso est toujours en état de choc», affirme son avocate. «Elle a dû déployer des forces physiques et intellectuelles monumentales pour surmonter sa terreur et s’extirper in extremis de ce guet-apens. A cela s’ajoute un sentiment de trahison et d’incompréhension totale. Joël Guerriau était un ami depuis une dizaine d’années, en lequel elle avait toute confiance», a poursuivi Me Minkowski.

Où en est l’enquête ?

Une confrontation de près de deux heures a été organisée vendredi 17 novembre entre Joël Guerriau, qui nie les faits, et Sandrine Josso. Le face-à-face s’est déroulé au 3e district de la police judiciaire de Paris, dans le cadre de la garde à vue du sénateur pour «administration à une personne, à son insu, d’une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes pour commettre un viol ou une agression sexuelle». «La confrontation entre Joël Guerriau et la députée est finie et a permis à mon client de confirmer avec force sa version des faits qui ne permet pas à ce stade de l’enquête de caractériser une quelconque infraction», a déclaré son avocat, Rémi-Pierre Drai, pour qui «l’enquête se poursuivra comme il se doit».

Au cours de sa garde à vue, Joël Guerriau aurait été testé positif à de nombreuses drogues : des traces d’amphétamines, d’opiacé, de cannabis, de cocaïne, de méthadone et de MDMA ont été détectées dans son sang, a appris BFMTV de source proche de l’enquête. Ce que l’avocat de l’élu dément dans Ouest-France samedi 18 novembre: «Les analyses toxicologiques pratiquées sur [son] client qui démontreraient une consommation particulièrement intense de différents stupéfiants sont totalement fausses. Les résultats démontrent au contraire que Joël Guerriau est négatif à toutes les substances illicites.»

Les enquêteurs ont néanmoins retrouvé de l’ecstasy lors des perquisitions menées dans le bureau du sénateur et à son domicile, selon le parquet de Paris, qui mène les investigations. L’enquête a été ouverte en flagrance, une procédure qui permet de ne pas avoir besoin de demander la levée de l’immunité parlementaire.

Quelles réactions politiques ?

Interrogé sur l’affaire, le ministre de la Transition écologique et secrétaire général du parti Horizons, Christophe Béchu, a affirmé au micro de France Inter vendredi que Joël Guerriau «ne peut pas rester au sein du parti s’il y a le moindre doute». «Demain [samedi] matin à 9 heures, nous aurons un bureau politique. Nous aurons l’occasion d’évoquer cette situation», a expliqué le ministre. «Il ne peut évidemment pas rester au sein du parti s’il y a le moindre doute sur la véracité de tout ça», a-t-il ajouté.

Banquier de profession, élu à la haute assemblée depuis 2011, Joël Guerriau est secrétaire du Sénat et vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Cet ancien maire de la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire entre 1995 et 2017 a été réélu sénateur de Loire-Atlantique fin septembre sous l’étiquette Horizons. Il avait notamment reçu l’ancien Premier ministre et président d’Horizons Edouard Philippe dans son département durant sa campagne des sénatoriales.

Mis à jour : samedi 18 novembre à 9h25, avec l’ajout de la déclaration de l’avocat de Joël Guerriau qui réfute des analyses toxicologiques positives et avec l’annonce de la suspension du sénateur du parti Horizons.