Le groupe socialiste au Sénat a échoué à faire adopter un nouveau droit pour les femmes. La proposition de loi prévoyait la mise en place d’un arrêt spécifique pour les cas de dysménorrhée – règles douloureuses –, dont l’endométriose, d’une durée de deux jours par mois au maximum, avec un certificat médical valable pour un an. Après de vifs débats, le texte a été rejeté par 206 voix contre 117, dominée par la droite et ses alliés centristes.
Pourtant, plusieurs grandes villes de France n’ont pas attendu une législation nationale pour mettre en place le congé menstruel dans leurs administrations. C’est le cas par exemple à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Son maire, Karim Bouamrane, l’a ainsi instauré en mars 2023, il y a un peu moins d’un an. Selon des chiffres communiqués par son équipe, 66 % des personnes qui travaillent pour la mairie sont des femmes et 250 d’entre elles sont potentiellement concernées par la dysménorrhée. Des employées extrêmement gênées durant leurs heures de travail et qui, si elles posent un arrêt maladie, voient leur salaire baisser pour cause de jour de carence. Cette perte de revenu peut aller jusqu’à un mois de salaire par an, pointe la mairie.
«Si vous avez des règles douloureuses, prenez votre congé menstruel»
Une situation que le socialiste qualifie d’«inacceptable». Pour Karim Bouamrane, instaurer un congé menstruel pour ses équipes est, dit-il, une question d’«égalité», une «question de santé publique, de bien être au travail et de pouvoir d’achat». Le maire PS explique qu’il a voulu «déculpabiliser» les agentes qui auraient besoin de cet arrêt : «J’avais une seule ligne directrice, si vous avez des règles douloureuses, prenez votre congé menstruel. Limite, je vous l’impose.» Au total, 15 % des femmes concernées au sein de sa mairie en ont profité. Certaines femmes pourraient-elles abuser de ce congé s’il était généralisé au niveau national comme l’affirment certains à droite ?
Interview
«C’est ne pas du tout connaître l’état d’esprit des femmes. Elles ne sont pas là pour prendre des jours de repos à tout va», rétorquait la sénatrice Hélène Conway-Mouret, porteuse de la proposition de loi. Un congé qu’elle présentait comme «un dernier recours», si l’adaptation du poste de travail n’est pas possible dans certaines professions. Pour Karim Bouamrane, la France «est en retard sur cette question» alors même que de nombreux pays l’ont déjà adopté comme le Japon en 1947 ou l’Espagne en 2023.
Mais les craintes de la droite et du gouvernement redoutant les «effets secondaires non désirées» du congé menstruel l’ont emporté au Sénat. Une décision prévisible par la chambre haute du Parlement connue pour ses positions plutôt conservatrices. Le nouveau ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, s’est dit opposé à cette généralisation qui «tourne le dos au dialogue social», tout en se montrant ouvert à la discussion pour « continuer à briser les tabous ».
Mise à jour à 17h42 avec le rejet du texte par les sénateurs.