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Contre les ingérences étrangères, l’Assemblée valide une mesure de surveillance algorithmique

Les députés ont voté ce mercredi 27 mars un texte visant à lutter contre les actions des représentants d’intérêts étrangers en France. C’est désormais au Sénat de se prononcer.
Les députés LR dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, mercredi 27 mars 2024. (Xose Bouzas/Hans Lucas.AFP)
publié le 27 mars 2024 à 21h17

Dans un contexte éruptif avec la menace russe, l’appétit grandissant de la Chine et l’approche des JO de Paris, l’Assemblée nationale a adopté ce mercredi 27 mars une proposition de loi Renaissance visant à lutter contre les ingérences étrangères. Elle mêle la création d’un registre national de l’influence, la possibilité de geler des avoirs financiers et une extension controversée d’un dispositif de surveillance algorithmique.

Le texte, qui ira au Sénat a été adopté par 171 voix contre 25, à l’issue de débats parfois très tendus entre le camp présidentiel et les oppositions, LFI et RN en tête, avec les élections européennes en toile de fond. Malgré les inquiétudes à gauche pour les libertés publiques et les critiques sur le manque d’ambition venues de la droite et de l’extrême droite, les députés LR, RN, écologistes, socialistes et Liot (indépendants) ont voté pour. Les Insoumis ont voté contre et les communistes se sont abstenus.

L’article-clé du texte prévoit d’élargir un dispositif de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet, aujourd’hui circonscrit à la lutte antiterroriste.

Avec une efficacité mitigée en raison de modes d’action trop variés des auteurs, selon le rapporteur Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des Lois. Il estime au contraire qu’il sera plus efficace pour détecter des protocoles suivis par des agents d’ingérence, prenant l’exemple d’«un agent chinois qui arrive en France, réserve plusieurs hôtels, les annulent, puis en re-réserve plusieurs et les annulent à leur tour».

«Outils de surveillance généralisée de la population»

La proposition de loi prévoit une expérimentation de quatre ans. Durant celle-ci les services de renseignement pourraient y recourir au titre de «l’indépendance nationale», de «l’intégrité du territoire et la défense», des «intérêts majeurs de la politique étrangère», de «l’exécution des engagements européens et internationaux de la France», «ou toute forme d’ingérence ou de tentative d’ingérence étrangère».

Un périmètre large, qui inquiète à gauche. «Vous mettez en place des outils de surveillance généralisée de la population», a accusé Antoine Léaument (LFI).

Le texte impose également aux représentants d’intérêts étrangers qui font du lobbying en France de s’inscrire sur un registre national public, géré par la HATVP, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants.

Il prévoit aussi la possibilité de geler des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d’ingérence définies.

«Cynisme électoral» contre «délire mégalomane

Les députés des groupes Les Républicains et Rassemblement national ont globalement soutenu les mesures, tout en fustigeant un manque d’ambition. Ian Boucard (LR) a accusé la majorité de se servir du texte pour instaurer une «illusion de duel avec le Rassemblement national», en pleine campagne des européennes.

De fait, les échanges ont été parfois émaillés d’invectives. Le député RN Jean-Philippe Tanguy a dénoncé à la tribune un «cynisme électoral» ayant conduit, selon lui, à la présentation de ce texte, et accusant le camp présidentiel de prétendre lutter contre les ingérences. Sacha Houlié a dénoncé en retour un «délire mégalomane et égocentrique», «pour se dédouaner» de liens avec la Russie.