Le tout pour le tout pour éviter la débâcle. Avant de recevoir les socialistes à Matignon ce mercredi, le Premier ministre démissionnaire a ouvert la porte mardi 7 octobre à une «suspension» de la réforme des retraites, pour arracher un accord comme demandé par Emmanuel Macron.
Chargé de mener «d’ultimes négociations» aux airs de mission impossible pour sortir de la crise politique, Sébastien Lecornu a fini par abattre sa carte maîtresse mardi soir, au terme d’une intense journée de tractations. C’est sa prédécesseure Elisabeth Borne, celle qui avait fait adopter la très décriée réforme de 2023 et aujourd’hui ministre démissionnaire de l’Education, qui l’a annoncé au Parisien, se disant favorable à cette concession «si c’est la condition de la stabilité du pays».
Décryptage
Presque en même temps, Raphaël Glucksmann se félicitait à la sortie de Matignon que cette revendication qui «était impossible il y a quelques jours, aujourd’hui devien (ne) possible». Mais à l’issue de son entretien avec Sébastien Lecornu, le leader social-démocrate du parti Place publique n’était pas en mesure de dire «si ce qu’on nous a proposé dans ce bureau est de nature à éviter la dissolution».
On ne peut pas dire que la solution fasse l’unanimité dans la macronie. Si Manuel Valls n’est pas «opposé» par principe et préfère cette option à celle d’une dissolution, d’autres figures du camp présidentiel sont plus sceptiques. Invitée de RTL, Yaël Braun-Pivet s’est dite «gênée» par l’hypothèse, jugeant que la suspension d’une réforme d’une telle ampleur devait «faire l’objet d’une négociation globale». Le patron temporaire de Bercy, Roland Lescure, s’est bien gardé de donner son avis, mais a livré ses chiffres : l’ambition se chiffrerait à plusieurs centaines de millions d’euros en 2026, voire plusieurs milliards en 2027.
Tout dépend désormais de la réaction du Parti socialiste, dont les dirigeants seront à leur tour reçus à 10 heures. Cueilli à chaud au 20 heures de France 2 mardi, Olivier Faure s’est contenté de saluer «un réveil positif» bien que «tardif» sur les retraites, tout en soulignant qu’il entendait également «avancer sur toute une série de sujets». Il sera donc question de fond, mais aussi de casting : le patron du parti à la rose juge en effet que «le temps est venu de passer à la gauche», après avoir essayé en vain «trois Premiers ministres de droite successifs». Une exigence partagée avec les Ecologistes, qui suivront à 12 h 15, et les communistes, également conviés - à un horaire non précisé.
Retailleau refuse un gouvernement de gauche
Mais l’idée hérisse la droite, à commencer par le président des Républicains, Bruno Retailleau, qui ne retournera «certainement pas dans un gouvernement dirigé par un homme de gauche», ni d’ailleurs «par un macroniste» et réclame un chef d’équipe «qui ne soit pas proche» du chef de l’Etat. Sébastien Lecornu a répliqué en faisant savoir au chef des députés LR, Laurent Wauquiez, que sans «logique d’entente» entre leurs camps, le choix se réduirait à un Premier ministre de gauche ou une nouvelle dissolution.
Cette dernière option est toujours réclamée à cor et à cri par le Rassemblement national, qui a décliné l’invitation à Matignon et se projette déjà vers des législatives anticipées. En pré-campagne, la patronne du parti à la flamme Marine Le Pen s’affichera loin des tractations parisiennes, au Sommet de l’élevage de Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme).
Récit
Pas de rendez-vous non plus pour La France insoumise, qui estime avoir mieux à faire à l’Assemblée nationale, où sa motion de destitution d’Emmanuel Macron sera soumise au nouveau bureau de l’institution ce mercredi. Une première étape dite de «recevabilité» qui devrait être franchie grâce à l’abstention du RN. Une manière de faire encore monter la pression sur le chef de l’Etat, lâché par certains de ses alliés comme son ancien Premier ministre Edouard Philippe qui l’appelle à démissionner de manière «ordonnée» et «digne» d’ici quelques mois, «une fois le budget adopté». Son successeur Gabriel Attal a quant à lui critiqué «une forme d’acharnement à vouloir garder la main», de la part de ce président dont il «ne comprend plus les décisions».
Seul à pouvoir dénouer la crise qu’il incarne, Emmanuel Macron n’a plus que quelques heures pour trancher. Sébastien Lecornu, lui, «fera état du résultat de ses consultations», affirme-t-on à l’Elysée. Ensuite, le président de la République «prendra ses responsabilités» et «parlera pour annoncer ses décisions».