Plus de deux semaines après son lancement, la pétition contre la loi Duplomb a dépassé la barre des deux millions de signataires sur le site de l’Assemblée nationale. Face à l’ampleur de la mobilisation contre ce texte qui réautorise plusieurs pesticides jusque-là interdits en France, la présidente des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, appelle Emmanuel Macron à refuser de promulguer la loi et à la faire revoter. La députée de l’Isère dénonce la désinformation du gouvernement et annonce qu’une loi d’abrogation sera déposée par la gauche si le texte est promulgué.
Cette pétition arrive en plein milieu de l’été, en pleine pause parlementaire. Quelle suite politique comptez-vous donner à cette pétition ?
C’est le pari qu’avaient fait le gouvernement et ses soutiens : faire adopter le texte le 8 juillet et le faire oublier avec l’été. La pétition montre justement que ce n’est pas un texte qui va passer aux oubliettes. Il va y avoir plusieurs moments clés durant l’été : le premier reste la décision du Conseil constitutionnel [a priori le 7 août, ndlr], auprès duquel les écologistes ont fait un recours avec La France insoumise. Nous avons des arguments pour plaider en faveur d’une censure du texte ou d’un certain nombre de ces dispositions. Si, malgré cela, le Conseil décide de valider le texte, l’enjeu sera de continuer à mettre la pression sur Emmanuel Macron.
Décryptage
Qu’attendez-vous de lui et de son gouvernement ?
Emmanuel Macron doit saisir l’article 10 de la Constitution pour demander au Parlement de se prononcer une nouvelle fois sur ce texte. L’ampleur de la mobilisation est un nouvel élément qui donne clairement la position des Français. Il faut aussi que le gouvernement et ses soutiens arrêtent la désinformation et qu’ils sortent du déni. En voulant étouffer le débat à l’Assemblée [en utilisant une motion de rejet en première lecture pour contourner les amendements des oppositions], ils l’ont fait prendre partout dans la société.
Un nouveau vote peut très bien se dérouler de la même manière que la première fois…
Un second vote peut être absolument différent du premier. La question, c’est la position que vont avoir les parlementaires qui soutiennent le gouvernement. Il y a deux millions de signataires. Cela veut dire qu’il y en a plusieurs centaines, plusieurs milliers dans les circonscriptions. Il faut que les soutiens du texte rendent des comptes à leurs électeurs alors que les éléments scientifiques démontrent la dangerosité de ce texte, notamment en termes de santé.
Emmanuel Macron et le gouvernement Bayrou peuvent très bien balayer cette pétition. Quelle poids avez-vous réellement sur ce sujet ?
Pour nous, le Conseil constitutionnel reste une marge de manœuvre tant qu’il ne s’est pas prononcé à ce stade. Le plus juste et le plus respectueux des signatures serait qu’Emmanuel Macron ne promulgue pas. Si c’est le cas, nous ferons deux choses : nous irons demander en conférence des présidents la tenue d’un nouveau débat conformément au nombre de signatures et nous déposerons une proposition de loi d’abrogation qui sera débattue, j’en suis sûre, dans l’année.
CheckNews
Cette pétition a été déposée deux jours après le vote. N’est-elle pas arrivée trop tard ?
Avant cette pétition, il y avait déjà eu la mobilisation de très nombreux acteurs. Nous avons eu des tribunes de médecins et de scientifiques pour alerter sur la dangerosité de la loi Duplomb. Nous avons eu tout le travail parlementaire, avec un certain nombre d’alertes faites pendant les questions au gouvernement. Cela fait plusieurs mois que nous sommes activement mobilisés avec l’idée que le bon sens et l’intérêt général allaient l’emporter : on ne peut pas autoriser un produit dangereux, neurotoxique, cancérigène. Il y a eu une sidération au moment du vote qui a déclenché ensuite cette mobilisation autour de la pétition. Comment des intérêts financiers d’une toute petite partie du monde agricole sont arrivés à prévaloir sur des intérêts de santé publique ? C’est cette colère qui s’exprime aujourd’hui.