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Libération
Reportage

Dans la «capitale d’une Normandie du sacrifice», Emmanuel Macron entame le 80e anniversaire du Débarquement

Le débarquement, 80 ans aprèsdossier
Après un court crochet dans le Morbihan, le chef de l’Etat a honoré, à Saint-Lô, «la mémoire qui tient ensemble le deuil et la reconnaissance» pour la France libérée.
Emmanuel Macron devant la mairie de Saint-Lo pour un discours d'hommage aux victimes de la guerre. (Christophe Petit Tesson/AFP)
publié le 5 juin 2024 à 21h12

La photo a traversé les ans. Deux enfants, deux frères, grimpés sur la branche d’un arbre mort, contemplent un champ de gravats et de maisons éventrées. «Saint-Lô, année zéro. Saint-Lô, capitale d’une Normandie du sacrifice», énonce Emmanuel Macron, convoquant cette célèbre image de désolation. Tout droit venu de Plumelec (Morbihan) où il a rendu hommage au maquis de Saint-Marcel et aux premiers parachutistes de la France libre, le chef de l’Etat, ce mercredi 5 juin, honore le souvenir des victimes civiles des bombardements alliés. «Une mémoire inconfortable», parfois gardée dans l’ombre des célébrations autour du Débarquement, car ces morts-là l’ont été pour «notre combat pour la liberté et la patrie», dit le Président : huit décennies plus tard, «la nation doit porter leur histoire en pleine lumière».

Dans le décor coquet du haras de Saint-Lô, devant un bâtiment de pierre et de briques pavoisé de bleu-blanc-rouge, le Président, sur la proposition du conseil scientifique de la mission Libération qui a planché sur le marathon commémoratif des années 2024 et 2025, le Président narre la «nuit de feu», les 5 000 tonnes de bombes larguées dans la nuit du 6 au 7 juin 1944 par les alliés pour entraver l’acheminement de renforts allemands et couper les nœuds de communications. Pioche dans les récits des survivants l’évocation du «grondement des avions», de l’élan brisé de «l’espoir» d’un débarquement qui montait de la côte, les tracts alertant de l’attaque dispersés «par des vents mauvais», des familles terrorisées, cachées dans les tunnels, et les 350 morts, ensevelis sous les décombres fumants, «la ville comme un bûcher». Et emprunte à Samuel Beckett sa fameuse formule : «Saint-Lô, capitale des ruines.»

Pimpant vétéran américain de 104 ans

Invité, jeudi, au mémorial de Ver-sur-mer, puis au cimetière américain de Colleville-sur-mer, Macron, qui doit présider l’après-midi la cérémonie internationale, sur la longue plage d’Omaha Beach, célébrera les soldats alliés du D-Day, devant une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernements et 200 vétérans, suite de son périple mémoriel de trois jours. Mais avant, c’est cette «dette de sang» payée par Saint-Lô, rasé à 95 %, qui est à l’honneur, avec «la mémoire qui tient ensemble le deuil et la reconnaissance» pour la France libérée.

Sur scène, les enfants des écoles de la commune chantent l’Hymne à la joie et Douce France de Charles Trenet. Au fond, des jeunes volontaires du Service national universel, en polo blanc et rang d’oignons, gonflent le torse. Dans un interminable bain de foule, Macron attrape des mains et des bribes de témoignages – une nonagénaire réfugiée au fond d’une remise la nuit du 6 juin 1944 ou un pimpant vétéran américain de 104 ans débarqué à Omaha Beach. Son équipe, pas rassurée pour la suite du programme (une cérémonie d’hommage aux 77 résistants fusillés par les Allemands dans les courettes de la prison de Caen le 6 juin 1944), prend son mal en patience. Au milieu du public, on lui présente une dame. Elle est la veuve de Max Robin, le petit en pull bleu, qui tenait son frère par l’épaule en toisant les cendres, sur la photo. Décédé en 2017, «il n’a jamais parlé de la guerre pendant soixante-dix ans».