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Armées

Dans le budget 2025, la défense sanctuarisée

Conflit israélo-palestiniendossier
Avec 50,54 milliards, soit une augmentation de 3,3 milliards par rapport à 2024, le gouvernement suit à la lettre la feuille de route tracée par la loi de programmation militaire.
Des militaires français et ukrainiens dans une base militaire du Sud-Ouest, le 14 juin 2024. (Marion Parent/ Divergence pour Libération)
publié le 10 octobre 2024 à 20h37

Près de trois ans après le retour de la guerre sur le continent européen et à l’heure où le Moyen-Orient s’embrase, les armées françaises ne devraient contribuer qu’à la marge à l’effort d’économies nationales. Selon le projet de loi de finances rendu public ce jeudi 10 octobre, le budget de la mission «Défense» suit scrupuleusement la feuille de route tracée par la loi de programmation militaire adoptée en 2023. Soit une augmentation de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2024, ce qui le porte à 50,54 milliards. La répartition des crédits évolue légèrement, avec une masse salariale qui baisse à 27 %, au lieu de 29 %, malgré 700 emplois ETP supplémentaires. Le poste «innovation, renseignement, infrastructures et petits équipement» bondit à 16 %, au lieu de 12 %. Les opérations extérieures et missions intérieures, qui bénéficiaient de 2 % l’an dernier, descendent à 1 %. La dissuasion nucléaire, revenue sur le devant de la scène, reste, elle, à 14 %.

Depuis 1958, les lois de programmation militaire (LPM) déterminent les objectifs de la politique de défense de la France, qui doivent être entérinés chaque année par la loi de finances dans sa mission «défense». La quatorzième LPM, dotée d’un budget astronomique de 413,3 milliards d’euros étalés sur sept ans (hors aide à l’Ukraine), portée avec passion par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait été adoptée en juin 2023 par l’Assemblée nationale à une très large majorité – en 2024, la France a pu ainsi consacrer 2 % de son PIB à la défense, comme elle s’y est engagée auprès de l’Otan. «Je n’aurais aucun humour si quelqu’un avait l’idée saugrenue de toucher au budget des armées, compte tenu des dangers qui pèsent sur notre pays», avait déclaré, selon le Canard enchaîné, Edouard Philippe, ex-Premier ministre et candidat à la prochaine présidentielle, le 22 septembre, lors du bureau politique de son parti, Horizons.

Dégradation spectaculaire de l’environnement stratégique

Cela dit, les dépenses de défense ne sont pas toutes incluses dans la LPM. Celle-ci définit une provision pour les opérations extérieures («opex»), comme les missions Lynx et Aigle menées dans le cadre de l’Otan dans les pays baltes et en Roumanie, ou pour les missions intérieures comme la protection des Jeux olympiques. Jusque-là, les dépassements, aussi courants que massifs, étaient financés par la solidarité interministérielle. Il serait question de faire désormais entrer tout dépassement dans la LPM, ce qui va mécaniquement générer des coupes dans certains domaines, surtout s’il reste du reliquat impayé sur 2024.

Par ailleurs, se pose la question de l’adaptation de la LPM à la dégradation spectaculaire de l’environnement stratégique advenue depuis qu’elle a été rédigée. Emmanuel Macron avait déclaré aux militaires, le 13 juillet : «L’accélération du temps, le rapprochement des menaces impose de nouveaux réglages. C’est pourquoi je vous demande de continuer à tirer les conséquences de la guerre telle qu’elle sera demain et pas telle que nous l’imaginions hier, et de préparer un ajustement de notre programmation militaire pour 2025.» Des «ajustements» qui pourraient renforcer certains secteurs, comme l’intelligence artificielle, les drones ou la défense antimissiles, et se faire douloureusement ressentir dans d’autres.

Le ministère des Armées étant aussi celui des Anciens combattants, le budget de la mission «Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation», dont les deux tiers sont consacrés aux pensions et majoration des rentes, lui incombe aussi en partie, en partage avec les services du Premier ministre. Là aussi, peu de changements. Il est prévu que lui soient affectés, en 2025, 1,91 milliard d’euros, soit un peu moins que les 1,93 milliard de la loi de finances 2024, «le nombre d’ayants droit et d’ayants cause diminuant tendanciellement».