Menu
Libération
Racisme

Dans le groupe Facebook officiel «Jordan Bardella», seize députés d’extrême droite et un déferlement de haine

Le média «les Jours» a révélé, jeudi 12 juin, les commentaires violents et racistes d’un groupe privé géré par le compte du Rassemblement national, dans la foulée des heurts qui ont suivi la victoire du PSG.
Jordan Bardella à Mornant-sur-Vernisson, le 9 Juin 2025. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 13 juin 2025 à 15h12

Jamais deux sans trois. Le média en ligne les Jours a révélé jeudi 12 juin que seize députés RN et apparentés appartenaient à un groupe Facebook où des propos haineux et racistes ont déferlé après les heurts qui ont suivi la victoire du PSG en Ligue des champions. Certains en étaient mêmes administrateurs. Des révélations semblables à celles qu’avaient déjà faites les Jours sur deux précédents groupes, «* Rassemblement National * (direction 2027 ! )» et «la France avec Jordan Bardella». A la différence de ces deux groupes dont faisaient déjà partie des députés du RN, le dernier sur lequel se sont penchés les Jours était un groupe officiel, géré par le compte Facebook du parti à la flamme.

Si «Jordan Bardella» est devenu «Jusqu’à la victoire» pour effacer tout lien avec le RN, et qu’une majorité des cadres lepénistes l’ont quitté près avoir eu vent des recherches du média, les journalistes ont pu effectuer des captures d’écran prouvant qu’une centaine de commentaires racistes et d’appels à la haine et au meurtre ont été postés sous plusieurs publications postées entre le 1er et le 8 juin, soit la semaine qui a suivi la finale de la coupe d’Europe remportée par les Parisiens.

«Une bonne rafale dans cette vermine»

Alors que «Jordan Bardella» était jusque-là rigoureusement modéré (la possibilité de commenter étant souvent désactivée), la diffusion d’images de débordements commis après le match a libéré un torrent de haine. Autorisés à réagir aux publications, certains des 84 000 membres du groupe se sont livrés à une course au pire, écrivant notamment : «Toujours la même couleur» ; «Je vois là que des merdes ou des animaux, pas des êtres humains. Où sont les bananes ?» ; «Bande de cafards, pire que des blattes» ; «Que des gris» ; «Race de merde» ; «Les singes des banlieues» ; «Pourritures de merde, vive le RN il est temps !»

Outre ces commentaires racistes, les appels aux meurtres se sont aussi multipliés : «Une bonne rafale dans cette vermine» ; «Ça donne envie de tuer, on va finir par faire justice, il faudra pas s’étonner, ça va mal finir» ; «Faut les éliminer, c’est des nuisibles» ; «Il faut les massacrer ces bons à rien qui coûtent au contribuable» ; «Tir à vue et si pas suffisant, lance-flammes» ; «Exercice de tir à balles réelles sur cibles mouvantes» ; «Des animaux à abattre» ; «Eliminer cette merde c’est la solution» ; «Il faut une guerre civile pour éradiquer cette vermine» ; «Nous devons réagir et descendre dans la rue nettoyer ces parasites». Des appels au meurtre qui se sont même mués en apologie du terrorisme quand un internaute a écrit, le 8 juin : «VOTEZ BIEN LA PROCHAINE FOIS». Une référence à l’attentat raciste commis une semaine plus tôt dans le Var, dans lequel Hichem Miraoui a trouvé la mort. Christophe B., l’auteur présumé du meurtre, avait prononcé cette même phrase dans sa revendication filmée. Loin d’être supprimé, le message a recueilli 17 likes de soutien.

Seize députés, zéro signalement

Pourtant, le groupe ne comptait pas moins de 36 administrateurs et modérateurs, tous issus du RN et, pour certains, anciens députés, collaborateurs parlementaires, ex-candidats ou référents locaux. Et si rien n’oblige ces derniers à effacer les commentaires ou exclure à leurs auteurs, quatre députés RN ou apparentés, eux-mêmes administrateurs de «Jordan Bardella», étaient tenus de signaler ces propos illicites au procureur. Une obligation légale qui pèse sur eux au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale. Ni David Magnier et Nicolas Dragon, élus RN dans l’Oise et l’Aisne, ni Alexandre Allegret-Pilot et Charles Alloncle, élus de l’Union des droites pour la République (UDR), le parti d’Eric Ciotti rallié au RN, n’ont respecté cette obligation.

Simples membres du groupe, douze autres députés du RN auraient également dû effectuer un signalement. Pour eux aussi, il n’en est rien selon les Jours. Il s’agit de Stéphanie Galzy (Hérault) ; Katiana Levavasseur (Eure) ; Michaël Taverne (Nord) Géraldine Grangier (Doubs) ; Christophe Barthès (Aude) ; Christian Girard (Alpes-de-Haute-Provence) ; Julien Limongi (Seine-et-Marne) ; Pascal Jenft (Moselle) ; Marine Hamelet (Tarn-et-Garonne) ; Robert Le Bourgeois (Seine-Maritime) ; José Beaurain (Aisne) ; et Thierry Tesson (Nord).

Loin des «quatre ou cinq brebis galeuses» au sein du parti dont parlait Jordan Bardella en juillet dernier, les trois enquêtes des Jours sur le sujet ont identifié 34 députés du RN et deux de l’UDR présents sur Facebook au milieu de propos racistes, antisémites ou homophobes. «Cela représente plus du quart de la formation lepéniste à l’Assemblée nationale», rappelle le média.