Le maire de Thésée (Loir-et-Cher), Daniel Charluteau (RN), pensait s’être enfin débarrassé du seul conseiller municipal d’opposition de sa commune, après une décision mi-juillet du tribunal administratif le déclarant démissionnaire d’office. L’homme en question, un certain Emmanuel Argo, 75 ans, avait eu le malheur de ne pas assurer sa fonction d’assesseur au bureau de vote local lors des élections européennes du 9 juin. Le maire en avait profité pour saisir illico la juridiction administrative contre cet élu «provocateur». Originaire de Martinique, Emmanuel Argo s’est plaint dans la presse de régulières menaces et intimidations dont il dit faire l’objet depuis son élection, ainsi que d’insultes racistes, dans cette bourgade de 1 200 habitants, où le RN a fait 52,26 % aux dernières législatives. Depuis, Charluteau se félicitait d’avoir écarté son indocile opposant.
Une plainte déposée en 2023
Sauf que le 7 novembre, la cour d’appel de Versailles a annulé la décision du tribunal administratif, ordonnant la réintégration du conseiller récalcitrant. La cour d’appel se base sur une plainte déposée en septembre 2023 par le même homme, cette fois pour «menaces de mort et injure publique en raison de l’origine, non classée sans suite». Lors d’un conseil municipal houleux, plus tôt, il affirme avoir été traité de «sale nègre» par un autre élu, qui aurait tenté de lui asséner des coups de poing. Un épisode du genre traumatisant. «Ces faits particuliers peuvent être regardés comme étant constitutifs d’une excuse valable pour refuser d’exercer la fonction d’assesseur du bureau de vote de la commune», estime donc la cour.
Contacté par Libé, le maire ne compte pas en rester là : «Pas question d’accueillir [Emmanuel Argo] au prochain conseil municipal. Ce type est un menteur. Et en plus il est raciste. Ça ne va pas que dans un sens, le racisme. Il n’aime pas les blancs. Il nous déteste.» Pour sa défense, Charluteau produit une vidéo du fameux conseil municipal de septembre, où l’on voit bien une altercation entre Emmanuel Argo et un autre conseiller municipal. Un «ferme ta gueule» est lancé par le second au premier, mais pas de coups, ni de «sale nègre». Libération a eu aussi accès à un enregistrement sonore du conseil municipal, où aucune inculte raciste n’est prononcée.