Janvier 2015. Je m’installe seul autour de la grande table ronde du comité de rédaction. Une petite attente et le nouveau taulier du service politique, Grégoire Biseau, arrive par la vis de la rue Béranger. Il glisse ses longues jambes sous la table, sort un stylo et une feuille de sa poche et dessine un plan du service. Il met des noms à côté de chaque couleur politique. Puis : «Tu pourrais être en charge des partis de gauche, c’est-à-dire les socialistes, les communistes, les écolos et le parti de gauche de Mélenchon.» La proposition m’est tombée dessus comme une averse en été. La gauche ? Je n’y connais rien. «Justement», me dit-il.
Je me lance. Un drôle de plongeon dans l’inconnu. Ce n’est pas rien de couvrir la gauche dans un journal fondé par des militants maoïstes à la sortie de Mai 1968. Le directeur délégué de la rédaction actuelle, Paul Quinio, a occupé le poste lui aussi. Il garde en mémoire quelques souvenirs comme lorsque le Premier ministre, Lionel Jospin, disait de Libé : «Votre journal a trop souvent une vision rance et aigre du monde et de la politique.» Il y a des rapports étranges entre les politiques et les rubricards. Rien de surprenant pour Paul Quinio. «Nous sommes un contre-pouvoir, pas question d’être aux ordres d’un parti ou d’un candidat, mais ils aimeraient ne lire que des belles choses parce qu’ils estiment que nous sommes leur journal. Et forcément, quand on leur tend le miroir, ce n’est pas toujours agréable pour e