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Correspondance

«Déconnecté» sur l’Ukraine : Raphaël Glucksmann répond à François Ruffin

Elections européennes 2024 dossier
Le député européen parti pour mener une deuxième fois la liste socialiste a répondu sur son blog à l’interpellation du parlementaire insoumis. Il y dénonce «raccourcis» et «caricatures» de la part du Picard.
Raphaël Glucksmann et François Ruffin ont engagé un dialogue épistolaire pour «pour établir leurs désaccords et différences». (Frederick Florin. Magali Cohen/Hans Lucas. AFP)
publié le 25 janvier 2024 à 12h44

Il avait promis une réponse : la voici. Interpellée par l’insoumis François Ruffin vendredi dernier, la future tête de liste du Parti socialiste pour les européennes, Raphaël Glucksmann, a publié, mercredi 24 janvier, une longue lettre adressée au député La France insoumise de la Somme. Alors que l’ex-essayiste cite régulièrement le Picard comme une personnalité importante pour construire la gauche de demain, ce dernier avait pris soin de souligner que des divergences existent entre les deux hommes. Aussi bien sur des questions précises de fond que sur leurs visions politiques globales. Dans son texte, François Ruffin dénonçait les propos «hors-sol, déconnectés, sans ancrage» du cofondateur de Place publique. «Je n’y retrouve plus rien du “retour sur soi-même”, mais au contraire tout – pardonnez ma franchise – d’une élite qui avance, avec arrogance et inconscience», regrettait-il.

Forte divergence sur l’élargissement de l’UE à l’Ukraine

Glucksmann semble avoir peu apprécié les remontrances de l’insoumis. Pour répondre aux critiques sur son parcours bâti, entre autres, par des passages par le prestigieux lycée Henri IV et Sciences-Po Paris, la future tête de liste PS prend un malin plaisir à rappeler que François Ruffin a fréquenté «la même école privée catholique et bourgeoise qu’Emmanuel Macron à Amiens». L’insoumis a «cédé à nouveau aux raccourcis et aux caricatures», déplore-t-il.

D’autant que, selon l’ancien essayiste, c’est le député de la Somme qui est «hors-sol» sur la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, principal point de clivage entre les deux hommes. Dans sa missive, Ruffin disait avoir une «immense réticence» à voir le pays intégrer l’UE. «Non par racisme, non par égoïsme, mais par expérience», précisait-il. Le fondateur du journal Fakir estimait qu’un nouvel élargissement entraînerait de facto de la concurrence déloyale entre les travailleurs avec un pays où le salaire moyen s’élève à 373 euros et donc de nouvelles délocalisations. Un raisonnement qui «pose franchement problème» à Raphaël Glucksmann.

«Lorsque j’ai quitté Paris, ce n’était pas pour Berlin ou New York»

Tout en reconnaissant qu’une adhésion de l’Ukraine «doit s’accompagner de réformes et de changements» et notamment d’une refonte de la Politique agricole commune (PAC), le chef de file de Place publique considère que l’invasion russe suffit à justifier l’accueil du pays dans l’UE. Ce doit être «une réponse visant à éviter l’effondrement de l’Ukraine, à affirmer la solidité et la solidarité de l’espace européen. Evoquer cet élargissement comme vous le faites en évacuant si vite la guerre qui le rend si important m’interpelle», écrit-il. Puis questionne : «pourquoi une partie de la gauche, la vôtre, a-t-elle tant de mal à prendre la mesure de la menace qui pèse sur nous ?»

Malgré les désaccords et les quelques petites attaques, Glucksmann dit vouloir continuer le dialogue avec François Ruffin. A condition toutefois que ce dernier «arrête à l’avenir de tomber dans le fantasme ou la caricature». «Lorsque j’ai quitté Paris, ce n’était pas pour Berlin ou New York, mais pour les charniers du Rwanda après le génocide des Tutsis, la ligne de front en Géorgie ou la révolution en Ukraine», précise-t-il pour, une fois encore, tenter de prouver qu’il n’est pas le «grand bourgeois» que beaucoup décrivent. Lui aussi a «vu les injustices de la tyrannie et de la guerre, la misère sociale la plus crue et la violence politique la plus abjecte». «J’ai appris, en perdant des amis ou en déterrant des cadavres, ce qu’ignorent les démocrates de confort ou d’habitude qui président aux destinées de nos nations : le caractère à la fois intrinsèquement fragile et absolument inestimable de la démocratie», développe-t-il. Reste maintenant à voir si François Ruffin décide de poursuivre cette correspondance.