Voilà déjà plus d’un an que les deux hommes ont partagé la table du Conseil des ministres pour la dernière fois. Pourtant, le temps n’a pas détendu leur relation notoirement exécrable. L’ancien garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a ainsi estimé ce mercredi 24 septembre au matin que son successeur, Gérald Darmanin – à l’Intérieur durant son passage place Vendôme –, commettait une «faute» en critiquant «les décisions de justice».
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Le ténor du barreau a également assuré qu’il «[pleurait] le fait que nous soyons dans une dérive aujourd’hui qui est une dérive sécuritaire», alors qu’il était invité ce mercredi matin au micro de RTL. «Par exemple, je ne trouve pas normal que le garde des Sceaux en exercice critique les décisions de justice», a ajouté l’avocat, qui fut ministre de la Justice entre 2020 et 2024 et dont l’inimitié avec les magistrats est elle aussi notoire.
Dupond-Moretti se paie aussi Retailleau
La semaine dernière, Gérald Darmanin a notamment critiqué, avec le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, la libération sous contrôle judiciaire de deux adolescents mis en examen après l’agression d’un policier à Tourcoing (Nord). Il avait aussi remis en cause, en juin, les condamnations prononcées après les violences survenues en marge de la victoire du PSG en Ligue des champions, estimant qu’elles n’étaient «plus à la hauteur». «C’est pour moi une faute. Le garde des Sceaux, il doit garantir l’indépendance de la justice», a commenté Eric Dupond-Moretti. «Et l’indépendance de la justice a parfois pour corollaire qu’un certain de nombre de décisions sont rendues et qu’elles sont incompréhensibles», a-t-il encore affirmé.
Le ministre de la Justice est tenu de ne pas commenter les décisions de justice et une loi de 2013 lui interdit de donner des instructions dans une affaire individuelle. Lorsque «l’exécutif tente de mettre la main sur la liberté juridictionnelle», «alors on bascule de la démocratie vers une forme de totalitarisme, c’est ce qu’ont fait les Hongrois», a mis en garde Eric Dupond-Moretti.
Darmanin dit «remettre de l’ordre dans nos prisons»
Ce dernier s’en est aussi pris à Bruno Retailleau, qui «tape à bras raccourcis sur le Conseil constitutionnel», dénonçant une «instrumentalisation» de cette institution. «On présente au Conseil constitutionnel un texte qui est une malfaçon législative. On dit aux gens, “vous voyez, on va assurer votre sécurité maintenant”», a-t-il développé. Avant de conclure : «Le Conseil constitutionnel, il fait quoi ? Il fait son boulot. Il fait du droit, il censure. Et ça devient : “Vous voyez, nous, nous avons entendu l’appel à la sécurité et le méchant Conseil constitutionnel vient saboter notre travail”».
«En effet, je plaide coupable», a répondu sur X Gérald Darmanin à son prédécesseur. Et celui qui fut aussi ministre de l’Intérieur entre 2020 et 2024 de tacler Dupond-Moretti à son tour : «La sécurité des Français est effectivement ma priorité absolue. Pour cela, je remets de l’ordre avec fermeté, sans naïveté ni excès, dans le fonctionnement de notre Justice et dans nos prisons».
Outre ce sous-entendu sur la situation héritée après le passage de l’ancien avocat Place Vendôme, dont le successeur Didier Migaud n’était resté que trois mois en poste, le Tourquennois a encore affirmé que «tout cela [était] possible avec de l’énergie et de la volonté, comme la mise en place des prisons de haute sécurité accompagnée par le Conseil d’Etat, le Parlement et le Conseil Constitutionnel».
En juillet, un documentaire avait déjà révélé les coulisses d’une réunion gouvernementale houleuse entre les deux hommes au sujet de la Nouvelle-Calédonie. A l’époque, Darmanin et Dupond-Moretti s’étaient écharpés dans le secret d’une salle de crise. Désormais, les comptes se règlent au grand jour.