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Assemblée nationale

Destitution d’Emmanuel Macron : la proposition largement rejetée par les députés de la commission des lois

Le texte porté par les insoumis visant à destituer le chef de l’Etat, en vertu de l’article 68 de la Constitution, s’est heurté à l’opposition de la commission des lois ce mercredi 2 octobre. La conférence des présidents peut encore demander un examen dans l’hémicycle, mais la procédure a peu de chance d’aboutir.
Un manifestant pour «l'abrogation de la réforme des retraites» et «l'augmentation des salaires et des pensions», à Paris, le 1er octobre 2024. (Abdul Saboor/REUTERS)
publié le 2 octobre 2024 à 12h06
(mis à jour le 2 octobre 2024 à 16h05)

Le miracle tant espéré par les insoumis n’aura pas eu lieu. La commission des lois de l’Assemblée nationale a rejeté nettement ce mercredi 2 octobre la proposition de résolution de destitution du président de la République, avec 54 voix contre, 15 pour. Tout sauf une surprise. La plupart des groupes parlementaires avaient déjà fait part de leur opposition à une telle procédure, extrêmement contraignante puisqu’elle exige que trois cinquième du Parlement réuni en «Haute Cour» l’approuvent.

Malgré les faibles chances de voir le texte réunir une majorité en commission des lois, les insoumis ont commencé la journée en savourant ce «jour historique», dixit le député de l’Essonne Antoine Léaument. «Pour la première fois de la Ve République, l’Assemblée nationale étudie la destitution d’un président. Cet outil, prévu par l’article 68 de la Constitution, n’a en effet jamais passé auparavant l’étape du bureau de l’Assemblée. C’est dire la gravité du moment», a estimé l’élu francilien. En 2016 effectivement, une telle procédure visant François Hollande n’avait pas pu passer le premier palier du Palais-Bourbon. Cette fois, le texte a bien été jugé recevable par le bureau de l’Assemblée, où la gauche bénéficie de la majorité.

«Manquement à son devoir»

Les insoumis, à la manœuvre, sont catégoriques : d’après eux, le refus d’Emmanuel Macron d’appeler la gauche à gouverner alors que le Nouveau Front populaire est arrivé en tête aux dernières législatives constitue un «manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat». La seule justification qui permettrait de destituer le président de la République selon la Constitution. «En refusant de nommer Lucie Castets Première ministre, M. Macron n’a pas respecté son devoir, estime Antoine Léaument. Car selon l’article 8 de notre Constitution, il n’est pas là pour choisir le Premier ministre : il est là pour le nommer. Ni plus, ni moins.» «Il n’existe aucune définition de “manquement” dans la Constitution», a quant à lui noté le rapporteur du texte, l’écologiste Jérémie Iordanoff. Pointant la difficulté de trancher la question sous l’angle technique et juridique.

Fort logiquement, les débats ont surtout été politiques. Quand les députés mélenchonistes pilonnaient «l’autocrate Emmanuel Macron» par la voix de Gabrielle Cathala, les membres du Rassemblement national, du camp présidentiel et des Républicains répondaient «communication». «Un coup de plus pour les tenants du chaos», a ainsi critiqué l’élu d’extrême droite Philippe Schreck. «Ce que les députés de LFI font est uniquement un coup de communication. Ce n’est en rien un jour historique tant nous sommes habitués à vos excès vos mensonges, vos outrances», a abondé l’ancienne ministre macroniste Aurore Bergé qualifiant les insoumis de «Robespierre aux petits pieds». Les groupes Ensemble pour la République, Modem, Horizons, RN, Les Républicains, et Union des droites pour la République ont tous rejeté la proposition de résolution.

Tout comme les socialistes. Le 16 septembre, les roses avaient prévenu que s’ils avaient bien permis au débat de se tenir en soutenant la recevabilité du texte au bureau de l’Assemblée, ils s’y opposeraient durant l’examen. Selon eux, la responsabilité d’Emmanuel Macron dans la situation politique actuelle ne justifie pas une destitution du chef de l’Etat. «C’est une procédure héritière de la “haute trahison”, la destitution doit être le recours ultime», a défendu le député de l’Ardèche Hervé Saulignac. «L’honneur de cette assemblée sera de ne pas répondre à un abus de pouvoir par un autre abus de pouvoir, de ne pas nourrir la division mais plutôt de nous placer du côté des institutions», a-t-il ajouté. Les socialistes estiment d’ailleurs que l’échec annoncé de la résolution aura pour seul effet de renforcer le chef de l’Etat. Et affirment donc que la meilleure solution reste la censure du gouvernement. Une motion sera d’ailleurs déposée dans les prochains jours pour un examen dans l’hémicycle la semaine prochaine.

Communistes et écologistes en soutien

Ce mercredi matin, les insoumis ont en tout cas pu compter sur les députés écologistes et communistes de la commission des lois, qui ont quasi unanimement soutenu le texte. «La représentation nationale ne peut pas rester taisante, a fait valoir la députée de la Réunion Emeline K/Bidi. Jamais un président n’aura autant méprisé les électeurs et l’Assemblée nationale, ne se sera jamais autant joué des institutions. […] Au regard de la situation exceptionnelle de chaos politique, nous estimons que voter ce mécanisme est de notre responsabilité.»

Pas forcément à l’aise avec la notion de «destitution», les verts ont fini par se ranger derrière la procédure de LFI. «Le Président n’est pas sacré et, à part cette procédure exceptionnelle, il n’existe aucun levier, aucun véhicule ni même aucun cadre légal pour le contraindre à répondre de ses décisions graves, a justifié le député de Paris Pouria Amirshahi. S’il en existe d’autres, dites-le-moi et je m’y rallierai, mais je n’en connais pas.»

De quoi satisfaire Jean-Luc Mélenchon. «Insoumis, GDR et Verts ont voté la motion de destitution de Macron. Le RN, LR, macronistes et PS ont voté contre. […] Le coup d’Etat de Macron n’a toujours pas le dernier mot», a écrit le triple candidat à la présidentielle sur X. Le rejet du texte ne met effectivement pas fin à la procédure. La proposition de résolution doit être désormais examinée dans l’hémicycle par l’ensemble des députés dans treize jours au plus tard. Mais le résultat semble déjà écrit.