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Procédure

Destitution d’Emmanuel Macron  : le rôle central du bureau de l’Assemblée, pour la première fois aux mains de l’opposition

L’organe du Palais-Bourbon, est chargé notamment d’apprécier la recevabilité des propositions de loi ou de décider des sanctions infligées aux députés. Il se réunit mardi 17 septembre pour examiner la résolution des insoumis visant à destituer Emmanuel Macron
Les séances du bureau de l'Assemblée nationale se déroulent toujours à huis-clos. (Denis Allard/Libération)
publié le 16 septembre 2024 à 18h38

C’est à la fois l’instance collégiale la plus haute de l’Assemblée nationale et la moins visible. Composé de vingt-deux membres, le bureau gère l’organisation et le fonctionnement interne de l’institution. Un lieu de pouvoir parlementaire, toujours à huis clos et aux mains des majorités successives depuis 1958. Jusqu’à cette nuit agitée du 19 au 20 juillet 2024. Après quatorze heures de vote, les députés du bloc central, alliés à la droite pour la répartition des postes clés, avaient en effet été battus par la gauche. Partis dormir, les macronistes ont vu des postes de secrétaires leur échapper. Résultat : l’organe décisionnaire penche désormais majoritairement du côté du Nouveau Front populaire, qui y compte douze élus. Le Rassemblement national, lui, en est absent. «Une présidente de l’Assemblée minoritaire devant son bureau, c’est une bizarrerie de plus dans cet hémicycle morcelé, constate Philippe Quéré, collaborateur parlementaire et auteur de l’ouvrage 49.3, 47.1, 40… Contre-pouvoir en danger (Max Milo éditions, 2023). On va repousser le règlement dans ses retranchements.»

«Lieu d’interprétation du règlement»

Le bureau se réunit pour la première fois de la nouvelle législature ce mardi 17 septembre à 9 heures 30. Au menu de ce premier rendez-vous : l’examen de la proposition des insoumis visant à engager la procédure de destitution du président de la République. Les membres du bureau devront juger de sa recevabilité, avant un éventuel envoi à la commission des lois. Majoritaire au sein de l’organe, la gauche peut théoriquement enclencher cette procédure, encadrée par l’article 68 de la Constitution. Un tel geste donnerait le tempo de ce qu’une majorité de gauche au bureau de l’Assemblée pourrait dérouler pendant un an – les postes étant remis en jeu chaque année en octobre, hormis le fauteuil de la présidente, Yaël Braun-Pivet.

L’appréciation de la recevabilité des propositions de loi est l’un des rôles clés du bureau. «Sur ce sujet, les débats peuvent être infinis», relève Philippe Quéré. Au printemps 2023, l’ex-majorité macroniste et les oppositions avaient ferraillé sur un texte du petit groupe indépendant Liot, visant à abroger le report de l’âge légal à la retraite à 64 ans. La présidente de l’Assemblée avait alors dégainé l’article 40 de la Constitution, qui empêche les parlementaires de déposer des amendements ou des propositions de loi créant des charges supplémentaires sans être compensées financièrement. A l’époque, les oppositions avaient dénoncé un «précédent dangereux pour la démocratie». Pour Philippe Quéré, le bureau de l’Assemblée est «un lieu d’interprétation du règlement. Une majorité au bureau s’y retrouve donc avec beaucoup de pouvoir. Jusqu’où ira cette marge d’interprétation ?»

Pas d’instance d’appel

Outre ce rôle stratégique d’appréciation de la recevabilité financière des propositions de loi, et des d’amendements (seulement à la demande de la présidente de l’Assemblée), le bureau veille aussi à l’application du règlement. C’est lui qui se prononce sur les sanctions infligées aux députés lors d’incidents de séances. Tombées à la pelle au cours de la dernière législature, visant notamment des députés LFI comme Sébastien Delogu, les sanctions pourraient être plus allégées avec une majorité à gauche. «Même une sanction prête à discussion, à interprétation», note Philippe Quéré. Et elle ne peut pas être contestée, l’Assemblée nationale n’ayant pas d’instance d’appel.

Dans les salons de la présidence de l’Assemblée, à l’hôtel de Lassay, où il se réunit environ tous les deux mois, le bureau surveille aussi d’éventuelles incompatibilités avec le mandat de députés. L’instance peut également saisir la justice en cas de faux témoignage devant une commission d’enquête parlementaire. Côté pratique, les six vice-présidents se répartissent les délégations suivantes : activités internationales, transparence et représentants d’intérêts, presse et communication, statut du député, groupes d’études et patrimoine. Tout ce qui touche à la vie quotidienne du Palais-Bourbon est ainsi examiné par les élus du bureau, de la nomination du déontologue aux tenues autorisées dans l’hémicycle, en passant par le calendrier des commémorations ou les frais de mandat des députés. Autant de sujets sur lesquels l’alliance de gauche, désormais majoritaire, ne s’en laissera pas conter.