Les insoumis n’en démordent pas. Quoi qu’en disent les autres partis de l’échiquier politique, la procédure de destitution qu’ils ont mise sur la table n’est pas un projet vain. Même s’ils reconnaissent que le processus n’a rien d’un long fleuve tranquille, les responsables du mouvement de Jean-Luc Mélenchon martèlent en public que oui, Emmanuel Macron peut être destitué. «Si on regarde l’équilibre des forces de l’Assemblée nationale, je remarque que les macronistes ne représentent qu’un tiers des élus. Il y a donc deux tiers des députés qui ne se revendiquent pas d’Emmanuel Macron. Acceptent-ils son coup de force ? C’est la question qui leur sera posée. Si vous êtes vraiment dans l’opposition vous ne pouvez pas approuver cela», présentait le coordinateur de LFI Manuel Bompard à la fin du mois d’août à Valence (Drôme). Devant la presse ce lundi, la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, a de nouveau dénoncé le «coup de force» d’Emmanuel Macron et son «comportement dangereux».
«Cette procédure est possible»
Mais avant qu’une telle question se pose, le processus permis par l’article 68 de la Constitution doit passer une première étape décisive mardi 17 septembre : le bureau de l’Assemblée nationale. C’est en effet à la plus haute autorité collégiale de l’Assemblée nationale que revient la lourde tâche de statuer sur la recevabilité, ou non, de la démarche alors que le chef de l’Etat «ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat», selon le texte suprême. La gauche y a la majorité (12 sur 22 députés) et peut donc décider d’enclencher la procédure. «Il n’y a aucune raison de ne pas laisser le bureau de l’Assemblée transmettre cette résolution pour qu’elle soit débattue», a assuré Mathilde Panot ce lundi.
Tribune
Pour les insoumis et les autres signataires venus du groupe écologiste et social (GES), ainsi que de la gauche démocrate et républicaine pilotée par le PCF, le refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets à Matignon malgré la courte victoire du NFP aux législatives constitue ce fameux manquement aux devoirs présidentiels. Les tenants de cette ligne représentent 9 membres du bureau.
Le PS votera en faveur de la recevabilité
Tout dépendait du choix des 3 socialistes de l’instance, qui, dès le début, ont tenu à prendre leurs distances avec l’initiative insoumise. Les roses n’ont pas vraiment apprécié d’avoir été mis devant le fait accompli par leurs partenaires à la fin de l’été. Pour autant, le lundi soir, les députés PS ont annoncé qu’ils «voteront en faveur de sa recevabilité» puisque «cette résolution [est] signée par plus d’un dixième des membres de l’Assemblée et motivée».
En revanche, les socialistes «n’ont pas changé de point de vue sur le fond», précisent-ils dans un communiqué. «Nous sommes résolument opposés à cette procédure de destitution héritière de la procédure d’exception pour “haute trahison”. Les députés socialistes et apparentés ne sont pas à l’initiative de cette procédure, n’en sont pas signataires et s’opposeront unanimement à cette proposition de destitution lors de son examen en commission des lois puis en séance publique», affirment-ils.
De toute façon, ils estiment que la procédure n’a aucune chance d’aboutir. Un argument réfuté par Mathilde Panot ce lundi. «Cette procédure est possible», a-t-elle certifié, ajoutant qu’une majorité pouvait être trouvée pour faire aboutir cette proposition de résolution, d’abord en commission des lois, puis dans l’hémicycle. L’élue LFI a également remis la pression sur ses collègues socialistes : «J’espère que le Parti socialiste décidera qu’il est d’accord non pas pour destituer le président de la République, ce qui est un débat en soi […] mais pour transmettre [cette proposition de résolution] et que nous ayons un débat démocratique.» «Nous ne vous demandons pas d’être d’accord. Nous vous demandons d’accepter de transmettre» et de «laisser la commission des lois se débrouiller», avait précisé dans son discours de la Fête de l’Huma Jean-Luc Mélenchon samedi pour tenter de convaincre ses camarades de ne pas bloquer.
La décision des représentants du PS du Bureau de l’Assemblée nationale de se ranger derrière leurs partenaires du Nouveau Front populaire, doit permettre de marquer le début d’un long processus parlementaire. Pour aboutir, le texte devra ensuite être adopté en commission des lois, et dans l’hémicycle à une majorité des deux tiers aussi bien au Palais-Bourbon qu’au Sénat. Si tel est le cas, une «Haute Cour» de 22 parlementaires doit être constituée pour statuer à bulletins secrets sur la destitution qui, pour être approuvée, devra, là encore, être votée par deux tiers de ce collège restreint.A l’inverse, un blocage socialiste aurait marqué la fin de la démarche. Et entraîné, à coup sûr, une nouvelle crise au sein de la gauche.
Mis à jour à 21 heures avec la décision du groupe PS.