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Deux démissions successives dans le cabinet de Sarah El Haïry

Le gouvernement Attaldossier
Management toxique, ministère délaissé au profit de la campagne des municipales… Au moins deux conseillères de la ministre déléguée à l’Enfance ont décidé de claquer la porte la semaine dernière. Cette dernière se défend de toute mauvaise pratique.
Sarah El Haïry à l'Assemblée nationale, ce jeudi 2 mai. (Magali Cohen/Hans Lucas. AFP)
publié le 3 mai 2024 à 18h20

Deux sur dix. Deux conseillères de Sarah El Haïry ont décidé de quitter le cabinet de la ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles. Leur mission doit s’arrêter aujourd’hui pour l’une, dans les jours prochains pour l’autre, mettant fin à plusieurs semaines de marasme et de doute. Le point de rupture aura été un «séminaire» organisé à Nantes fin avril, première étape de «France Familles», «un programme de rencontres et d’échanges autour des enjeux liés aux familles, à la petite enfance et à la parentalité» lancé par El Haïry, peut-on lire sur le site du ministère. Le hasard fait bien les choses : El Haïry est du cru. Réélue députée Modem de Loire-Atlantique en 2022, elle est aussi conseillère municipale de la cité des Ducs depuis 2020. Cette sortie tombait à point nommé dans une équipe où l’ambiance est, selon un ancien membre, «mauvaise» et pétrie de «tensions». Malheureusement, le rendez-vous tourne court et aucune discussion, aucun échange ni aucune activité censée renouer les liens entre les membres du cabinet n’a lieu.

Objectif Nantes

C’est la goutte d’eau de trop. De retour à Paris, deux membres du cabinet posent leur démission. Une troisième pourrait suivre. Cela n’est pas anodin dans une équipe qui ne compte que dix membres. Au cœur du problème, le sujet nantais qui déborderait sur les prérogatives ministérielles. «La ministre met tout en marche pour conquérir la mairie. Il y a un mélange des genres assez dangereux. Elle pourrait faire quelque chose avec cet immense ministère, mais elle pense trop à Nantes», juge un ancien conseiller. Certains au ministère ont eu l’impression de ne travailler que pour cet objectif. En guise d’illustration, on souligne les nombreux déplacements effectués par El Haïry en Loire-Atlantique. Quasiment tous les week-ends, avance-t-on. Aujourd’hui, elle est sur le site Santé protégée, au CHU de Nantes. Elle était déjà dans la région les 22, 23 et 24 avril pour le fameux «France Familles». La ministre balaie ces accusations d’un revers de main : «Nantes, c’est là que j’habite. Je rentre chez moi les week-ends. Je suis élue de ce territoire et il n’y a aucune raison pour que la ville soit pénalisée.» Elle indique que les prochains rendez-vous de «France Familles» auront lieu dans la Nièvre et à Caen. Pas là où elle a ses ambitions professionnelles. Car la centriste ne fait aucun secret de son intérêt pour la mairie nantaise, tenue jusqu’ici par la socialiste Johanna Rolland. «Les Nantais attendent un nouveau visage, mais aussi des actions immédiates. J’assume d’être la VRP de notre territoire et d’aller chercher les projets. 2026 sera un temps important pour notre ville», lançait-elle fin décembre au journal local Presse Océan en reprenant à son compte un lexique cher à la macronie : elle «assume». Autrement dit, elle fait ce qu’elle veut et se moque des mécontents.

«Je n’ai jamais rencontré de difficultés»

On évoque encore le management, qualifié par plusieurs personnes de «toxique». L’ambiance peut être dure, violente et la ministre ne semble pas savoir comment gérer ses équipes. «J’avais l’impression d’être dans une voiture qui roulait à fond sur l’autoroute mais sans chauffeur», avance cet ancien collaborateur. C’est le «bordel», une ambiance «comme dans Game of Thrones» où la hiérarchie n’est pas respectée et où les gens «s’entretuent». A qui la faute ? «Toute la macronie a un problème gigantesque de management, ajoute le même. Quand on voit comment le Président traite ses ministres, c’est normal que ça finisse par se répercuter sur la manière dont les ministres traitent leurs subordonnés.» Les démissions en cascade du côté de chez Prisca Thévenot donnent du crédit à cette impression. «Mais parfois aussi, ça peut être compliqué avec certains conseillers, tente de la défendre une ministre. C’est souvent une faute partagée dans ces cas-là.» Un ancien membre du cabinet d’El Haïry assure pour sa part avoir «toujours veillé à ce que tout rentre dans les clous». «Et je n’ai jamais rencontré de difficultés», ajoute-t-il. La ministre approuve. L’ambiance de son cabinet, qu’elle décrit comme «studieuse», ne serait pas un sujet. D’après elle, les départs successifs sont avant tout motivés par les situations «personnelles» des démissionnaires. Mais El Haïry innove par rapport à sa collègue Thévenot et met en avant son bilan. «Ça fait quatre ans que je suis au gouvernement et je n’ai jamais eu de problème. Ça s’est toujours bien passé avec tous mes conseillers. S’il y avait eu le moindre sujet, ça serait sorti.»