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Hippocrate

Deux sénateurs LR médecins visés par des plaintes pour avoir voté la suppression de l’AME

Deux praticiens ont déposé vendredi 10 novembre des plaintes devant l’Ordre des médecins pour violation du code de la Santé publique contre deux sénateurs Les Républicains, également médecins de profession, qui ont voté la suppression de l’aide médicale d’État (AME).
Jean-Francois Rapin, ici en novembre 2022 au Sénat, fait partie des deux parlementaires visés. (Xose Bouzas/Hans Lucas.AFP)
publié le 10 novembre 2023 à 15h27

Retour de bâton. Mardi 7 novembre, le Sénat adoptait un amendement déposé par des sénateurs Les Républicains prévoyant la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME). Ce vendredi 10 novembre, un médecin psychiatre et un médecin généraliste ont adressé deux plaintes à l’Ordre des médecins, contre deux sénateurs LR, eux aussi médecins, ayant voté cet amendement. Deux parmi la quinzaine de soignants de profession qui composent les rangs des parlementaires de la droite et du centre qui ont voté la réforme.

La sénatrice de la Saône-et-Loire, Marie Mercier, et le sénateur du Pas-de-Calais Jean-François Rapin, sont accusés d’avoir violé le code de la Santé publique en portant «atteinte, directement, à la santé physique et psychique d’une population connue pour être particulièrement vulnérable», écrivent dans leurs plaintes les docteurs Georges Yoram Federmann, psychiatre installé à Strasbourg, et Jean Doubovetzky, généraliste exerçant à Albi. Selon eux, voter la suppression de l’AME est en «contradiction avec le serment prêté par les médecins de protéger toutes les personnes, sans aucune discrimination, si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité».

Selon les plaignants, qui affirment s’associer avec «de nombreuses associations et professionnels de santé», les deux sénateurs visés, en votant la fin de l’AME, ont violé cinq articles du Code de la Santé publique. Notamment l’article R.4127-7, qui stipule que «le médecin doit […] soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, […], leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation […]. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances».

Ils affirment enfin que le remplacement de l’AME par une aide médicale d’urgence «représente un recul sans précédent pour les droits et la santé publique en France». Une accusation qui résonne avec celle déjà formulée mercredi 8 novembre par la Fédération des hôpitaux publics, qui estimait que la suppression de l’AME était «une hérésie». Les plaintes sont adressées respectivement aux présidents du Conseil départemental de l’Ordre des médecins de Saône-et-Loire, où exerce Marie Mercier, et du Pas-de-Calais, où est basé Jean-François Rapin.

L’AME, vieille lune sénatoriale

L’aide médicale d’Etat est un dispositif qui couvre intégralement les frais de santé des étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. En octobre, un rapport de Médecins du monde démontrait tout autant l’utilité de l’AME que les difficultés massives à y avoir accès, 8 étrangers éligibles sur 10 n’y ayant pas recours.

Le texte actant la suppression de l’AME et sa transformation en «aide médicale d’urgence (AMU)», à l’occasion de l’examen du projet de loi immigration, doit encore être examiné par l’Assemblée nationale. Mais il s’ancre dans une longue lutte de la droite parlementaire, «une vieille lune», selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, interrogé sur France Inter en mars.

La sénatrice LR Françoise Dumont venait alors de faire adopter son amendement de suppression de l’AME, et expliquait qu’il permettrait sur X (ex-Twitter) de «stopper la distribution d’aides incontrôlées, qui créent un “appel d’air” migratoire, que la France ne contrôle plus du tout». Médecins du monde avait répondu en dénonçant un amendement laissant «sciemment la santé des personnes se dégrader avant de les prendre en charge à des stades aggravés aux Urgences».