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Discours de François Bayrou : «Le compte n’y est pas», «tout ça pour ça»… La gauche déçue, la droite gronde

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Pendant plus d’une heure ce mardi 14 janvier, le nouveau locataire de Matignon a tenté de convaincre les députés du bien-fondé de son programme, afin d’éviter d’être renversé. Les écologistes et les insoumis ont déjà annoncé qu’ils voteront la motion de censure.
François Bayrou à l'Assemblée nationale le 17 décembre 2024. (Albert Facelly/Libération)
publié le 14 janvier 2025 à 18h31

Un mois et un jour après sa nomination à Matignon, François Bayrou a présenté devant les députés les grandes lignes de la politique qu’il entend mener, ce mardi 14 janvier, avec son discours de politique général à l’Assemblée national. Evènement scruté par toute la classe politique d’une manière générale, il n’a pas manqué de faire réagir les députés, avant même la fin de son discours. «Bayrou est à côté de la plaque sur la forme et dangereux sur le fond. Il reprend les obsessions économiques de Macron et les obsessions migratoires de Le Pen, s’est agacé sur X le député insoumis Antoine Léaument, assis au même moment dans l’hémicycle. Comment ne pas voter la censure jeudi ? Opposition stable et sûre, les insoumis le feront sans trembler», a maintenu l’élu de l’Essonne.

Une position attendue, alors que LFI avait annoncé déposer une motion de censure contre le Premier ministre dès sa nomination en décembre dernier. Même tonalité pour l’eurodéputée insoumise Manon Aubry, qui a au passage critiqué les négociations menées par les socialistes, les écologistes et le parti communiste depuis deux semaines avec le gouvernement.

Ce discours a d’ailleurs été l’occasion pour la France insoumise de s’attaquer à ses alliés du Nouveau Front populaire, particulièrement le Parti socialiste, qui mènent ces négociations refusées par LFI. Au cœur de ces entretiens entre la gauche et l’exécutif, la réforme des retraites, que le PS souhaitait voir abandonnée, ou au pire, suspendue. Raté, François Bayrou a finalement annoncé une simple «remise en chantier», avec une «mission flash» de la Cour des comptes sur le sujet. «Le Parti Socialiste s’apprête donc à rejoindre le macronisme en échange d’une «mission flash» sur les retraites, a cinglé sur X le coordinateur national de LFI Manuel Bompard. Le Parti socialiste a «mis le NFP à terre» en négociant avec le gouvernement, a achevé Jean-Luc Mélenchon.

Le PS a mis du temps à réagir, tout à ses discussions internes sur son positionnement. En début de soirée, le patron des députés socialistes, Boris Vallaud, est sorti du silence pour juger que «le compte n’y est pas», sans préciser si son groupe voterait la censure du gouvernement jeudi. Face à l’annonce que tout était «négociable» sur la réforme des retraites, y compris l’âge de départ à la retraite à 64 ans, il s’est réjoui de voir sa «demande» satisfaite : «La perspective d’une loi avant l’été, nous la prenons», a-t-il ajouté. Mais «notre objectif demeure l’abrogation», a poursuivi l’élu des Landes, refusant l’hypothèse de revenir «à la loi antérieure» s’il n’y a pas d’accord trouvé avec les partenaires sociaux. «Nous demandons que cela revienne devant l’Assemblée nationale», a-t-il dit.

«Nous sommes très loin du compte»

Si leur position n’était pas encore clairement définie avant le discours, participant même aux négociations avec le gouvernement, les écologistes ont désormais tranché en faveur de la censure du gouvernement Bayrou. Aucune surprise aux vues des réactions des députés écologistes. «50 minutes de discours. Et toujours pas un mot d’écologie…, s’est agacé la secrétaire générale des Ecologistes Marine Tondelier.

Egalement présents dans les discussions avec l’exécutif, les communistes n’en sont pas ressortis plus heureux. «Tout ça pour ça ! Nous sommes très loin du compte sur les retraites, le pouvoir d’achat, les salaires, l’emploi, les services publics, l’industrie, a fustigé le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. Sentiment de revivre le même film.»

Sur le plateau de BFMTV, l’élu picard François Ruffin a ciblé le choix des mots du Premier ministre centriste. «Le mot pauvreté n’est pas prononcé par François Bayrou alors que la France est l’un des pays où la pauvreté remonte, a relevé l’ancien insoumis. On n’a absolument pas eu un discours qui est à la hauteur du moment critique que vit notre pays».

Si les réactions du Rassemblement national n’ont pas été nombreuses, le président du parti s’est permis un tweet. «Au terme d’un discours lénifiant, François Bayrou a démontré qu’il n’était pas l’homme de la rupture, mais celui de la continuité molle, du bavardage et de la concertation «sans fin»», a jugé Jordan Bardella sur X, sans préciser si les députés du RN comptaient voter la censure. Avant le discours de politique générale, le parti d’extrême droite entendait «laisser sa chance au produit» Bayrou.

Au centre de l’hémicycle, les députés macronistes sont restés discrets. Seul le député Denis Masseglia s’est permis de critiquer la volonté du chef de gouvernement de relancer le débat autour du cumul des mandats. «Je suis complètement défavorable au retour du cumul des mandats. Le gouvernement se fourvoie sur ce sujet, ce n’est pas la priorité des Français», a estimé l’élu Renaissance.

Le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, a pour sa part prévenu qu’il s’opposerait à la proportionnelle souhaitée par François Bayrou. «C’est la garantie que le désordre politique exceptionnel que nous connaissons aujourd’hui deviendra la règle», a déploré le député de Haute-Loire, estimant que ce système électoral «ancrerait au cœur de nos institutions l’instabilité politique et la primauté des intérêts partisans sur l’intérêt général».

Accord de non-censure

Nommé après la censure de Michel Barnier en décembre dernier, François Bayrou marche sur un fil à Matignon. Après l’échec de l’adoption d’un premier budget en fin d’année 2024, il a été chargé de négocier avec les partis pour éviter, à son tour, la censure. Le Premier ministre avait confié les tractations à son ministre de l’Economie, Eric Lombard. Depuis janvier, l’ancien directeur de la Caisse des dépôts a multiplié les entretiens avec les partis, principalement le PS, les communistes et les écologistes. Soucieux d’obtenir un accord de non-censure avec la gauche, et particulièrement avec les socialistes, le ministre de l’Economie avait laissé devenir une ouverture des discussions autour de la réforme des retraites, adoptée de force en mars 2023 par le gouvernement Borne.

Alors que les partis du Nouveau Front populaire faisaient de l’abandon de cette réforme le point central de leur programme, ce sujet a marqué une fracture au sein de la coalition de gauche. La France insoumise a refusé catégoriquement de participer aux négociations, les écologistes et les communistes réclamant l’abandon immédiat du texte. Le PS, notamment par la voix de Patrick Kanner, souhaitait négocier une suspension, le temps de mener de nouvelle négociation.