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Chez Pol

Dominique de Villepin et Aurélien Pradié, deux solitaires en quête de «dignité»

L’ambitieux député ex-LR du Lot, qui clôturait jeudi 12 juin un cycle de conférences au collège des Bernardins, à Paris, a réuni des invités de marque, dont l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac.
Aurélien Pradié et Dominique de Villepin, hier à Paris. (Denis Allard/Libération)
publié le 13 juin 2025 à 9h50

Ils se voient d’ordinaire en privé, pour parler de politique internationale, de sujets de société ou de littérature. Jeudi 12 juin dans la soirée, au collège des Bernardins, à Paris, l’ancien secrétaire général de LR Aurélien Pradié et l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin se sont affichés pour la première fois ensemble pour disserter autour du thème de la dignité en politique. Aurélien Pradié clôturait un cycle de conférences organisé dans cet ancien collège cistercien, lancé en décembre 2024.

Plus discret au Palais-Bourbon depuis la dissolution, le député du Lot, trublion de la droite qui siège depuis juillet parmi les non-inscrits, turbine sur le fond. Dans «une période où le bruit et la fureur comptent plus que la réflexion», l’ancien maire de Labastide-Murat préfère les débats théoriques sur le travail, l’enfance ou le grand âge, au spectacle d’une Assemblée éclatée façon puzzle. «Il n’y a pas de dignité en politique s’il n’y a pas de résultats, expose-t-il. Un des drames de la vie parlementaire, c’est qu’il ne se passe rien : ni résultats, ni intensité.»

Petits cailloux

Face à lui, Villepin partage le constat d’un «temps d’aplatissement, de banalisation». «Nous vivons une époque tragique. Et pourtant, il n’y a pas de hauteur», déplore le gaulliste. L’ex-ministre des Affaires étrangères, auréolé de son discours à l’ONU en 2003 contre l’intervention américaine en Irak, déplore l’absence «de fonction présidentielle, de fonction de Premier ministre, de fonction parlementaire». Il dit : «Les postes ne sont pas honorés parce que les jeux politiques prennent toute la place.» La faute au système médiatique, aux réseaux sociaux… «Tout nous tire vers le bas.» Et de lancer : «Il faut bousculer ces jeux-là.» Suivez son regard…

Animant l’échange, le journaliste David Revault d’Allonnes le lance sur 2027. L’intéressé élude, soucieux de ne pas «porter atteinte à la dignité» du lieu théologique avec des «itinéraires individuels». Belle pirouette. A peine plaide-t-il pour la reconnaissance d’un Etat palestinien, alors qu’Emmanuel Macron tergiverse. Prudent, Pradié ne s’aventure pas sur ce terrain diplomatique. Mais l’ambitieux s’amuse de ne pas être interrogé sur ses ambitions présidentielles… Avec ce cycle de conférences, l’élu du Lot sème pourtant ses petits cailloux, des «éléments structurants d’un projet politique».

«Quelque chose qui s’habite»

Il n’y a qu’à voir le casting de la soirée. Ont défilé l’historien et éditeur Jean-Luc Barré, dernier confident de Jacques Chirac ; l’ancien procureur de Paris François Molins ; le général François Lecointre, ex-chef des armées ; et Ahmad Massoud, le fils du commandant Massoud assassiné en Afghanistan en 2001. Soit des figures ayant exercé les plus hautes responsabilités juridiques, militaires et politiques. Sur scène, Molins évoque une «fabrique systémique de situations d’indignité» en parlant des prisons, des services publics, du travail. Le général Lecointre raconte ses guerres, qui le hantent encore, à entendre sa voix. Il dit : «Au cœur de l’honneur, et de la dignité, il y a ce besoin de s’estimer soi-même.» Il parle aussi du «regard des autres».

Pour Ahmad Massoud, qui a pris la tête de la résistance armée face aux talibans, depuis leur retour au pouvoir en Afghanistan en 2021, «la dignité en politique, c’est croire en certains principes». Et Villepin d’achever le tableau : «La dignité, ça ne se porte pas à la boutonnière. C’est quelque chose qui s’habite, se vit mais ce n’est pas quelque chose qui doit se voir. […] La dignité va sans gloire, elle méprise la gloire. Elle va parfois avec l’oubli, le mépris, parfois le rejet. C’est la capacité à porter tout cela qui fait un destin français.»