Mercredi, Libération a révélé qu’un adhérent LR particulier était présent sur la liste du congrès du parti organisé pour désigner le représentant de la droite à l’élection présidentielle. Un chien. Celui que l’on a appelé «Douglas» a réglé 30 euros en ligne en novembre pour obtenir sa carte de membre et donc prendre part au scrutin. En réalité, cela s’inscrit dans un ensemble de manœuvres frauduleuses visant à gonfler le corps électoral.
Une fois l’information lâchée, les réseaux sociaux s’en sont emparés. Montages, détournements et autres mèmes ont circulé toute la journée. Des comptes parodiques de chiens ont également été créés pour apporter leur soutien à Valérie Pécresse. Le journaliste Lucas Jakubowicz, qui analyse le rapport aux animaux des politiques dans Un animal pour les gouverner tous (Arkhê), revient pour Libération sur une stratégie de manipulation qui, si elle est mal employée ou éclabousse un candidat, peut lui coûter.
C’est la première fois qu’un chien adhère à un parti politique ?
Oui, je crois. En revanche, il existe une tradition au Royaume-Uni : les électeurs se rendent au bureau de vote avec leurs chiens. C’est implicite, bien sûr, mais aux dernières élections, Boris Johnson l’a ancrée. Après avoir déposé son bulletin dans l’urne, il a embrassé son chien devant les caméras. Résultat : il a gagné. On peut se demander dans quelle mesure le fait d’embrasser un chien le matin du vote l’a aidé à remporter l’élection. D’ailleurs, il a fait fort. Si c’est assez habituel chez les présidents d’adopter un chien, lui, il en a pris un handicapé.
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Il est facile de faire dire ce que l’on veut à un animal. C’est pour cela que les personnalités politiques les affectionnent tant ?
Un homme politique qui pose avec un animal se donne aussitôt une bonne image de bon père de famille, proche du peuple. S’il pose avec un enfant, l’enfant peut le rejeter. Le chien, lui, ne triche pas. Il vit à l’instinct. Et surtout, c’est le comble de l’authenticité, alors même que la politique représente ce qui l’est le moins. Tout est faux, tout est mis en scène.
Vous avez un exemple ?
Valérie Pécresse, le lendemain de sa victoire à la primaire, va se promener avec son mari, ses trois enfants et son chien dans un parc de l’Ouest parisien. Elle a tout de suite utilisé cet animal. S’afficher à ses côtés, c’est à double tranchant. Cela permet de montrer sa gentillesse, son empathie, sa proximité avec le peuple. Mais quand il est mal utilisé, même indirectement dans le cas de Douglas, ça peut faire très mal car une erreur animalière est souvent exploitée par l’opposition. On verra dans quelle mesure ce dernier peut lui coûter des points. D’autant qu’avec les réseaux sociaux, c’est très facile de démolir une réputation.
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C’est, à chaque fois, un choix calculé ?
Oui, c’est hypercalculé. Presque tous les présidents français depuis de Gaulle ont adopté un labrador. Valéry Giscard d’Estaing avait un braque de Weimar, à qui il donnait du thé et à qui il parlait anglais. C’était un chien de château, très snob. Ses conseillers lui ont tout de suite demandé de prendre un labrador. Il se met en scène avec lui et invite la presse quand elle accouche de bébés. François Mitterrand arrive avec un labrador à l’Elysée, Nicolas Sarkozy aussi. François Hollande et Emmanuel Macron, eux, adoptent leur labrador en cours de mandat. C’est le chien le plus consensuel, personne ne peut dire qu’il n’aime pas les labradors. Nemo a permis à Macron de casser son image de technocrate et de banquier d’affaires.