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Pavoisement

Drapeaux palestiniens sur les mairies : certaines communes cèdent, d’autres résistent à «la méthode cavalière» de Retailleau

Le ministre de l’Intérieur démissionnaire a demandé, vendredi, aux préfets de s’opposer à la pose de drapeaux palestiniens sur les mairies. Si certains maires le retirent, d’autres choisissent d’ignorer la consigne de Beauvau malgré la visite de la police.

Plusieurs villes ont décidé de se pavoiser du drapeau palestinien, ce à quoi s'oppose le ministère de l'Intérieur. (Daniel Lozano Gonzalez/Getty Images)
Publié le 20/09/2025 à 17h25, mis à jour le 20/09/2025 à 18h24

La bataille des drapeaux se poursuit. En dépit de l’opposition du ministère de l’Intérieur, plusieurs maires ont décidé de faire accrocher l’étendard vert, noir, rouge et blanc de la Palestine au fronton de leur hôtel de ville avant le lundi 22 septembre, jour de la reconnaissance par le France de l’Etat palestinien. De son côté, Beauvau dénonce un «pavoisement» qui nuit au «principe de neutralité du service public». Vendredi, Bruno Retailleau a ainsi demandé aux préfets de s’opposer à la pose de drapeaux palestiniens sur des mairies et autres édifices publics, et de saisir la justice administrative contre les maires récalcitrants.

«On nage en plein délire», fustige auprès de Libération Jacqueline Belhomme, maire (PCF) de Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, qui refuse de se plier à cette décision. L’édile dénonce notamment un «coup de force préfectoral» : après avoir décidé d’ignorer le courrier de la préfecture qui relayait la demande de ministère de l’Intérieur, la mairie de Malakoff a ensuite reçu vendredi soir, «peu après 20 heures, la visite de la police nationale».

«On nage en plein délire»

Les agents lui somment alors de retirer le drapeau, ce qu’elle refuse. Jacqueline Belhomme n’a pas non plus voulu signer un procès-verbal tendu par les fonctionnaires de police, lui «notifiant l’injonction du retrait du drapeau palestinien en pavoisement». Puis, ce samedi matin, «la méthode cavalière de Retailleau», dixit la maire communiste, franchit une nouvelle étape : par un coup de téléphone passé à 9 h 30, la maire de cette commune des Hauts-de-Seine se voit convoquée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise deux heures plus tard pour délibérer du sujet. Elle ne pourra pas y assister, car le «délai est un peu serré», ironise-t-elle. Elle ajoute ne pas avoir eu le temps de préparer sa défense ni de contacter un avocat.

«Le tribunal va sûrement nous mettre une amende. Mais on ne retirera pas le drapeau pour autant, assure-t-elle. On est face à un ministre de l’Intérieur démissionnaire, je le rappelle, qui se mêle d’un dossier qui ne le regarde absolument pas.» Samedi après-midi, la décision du tribunal administratif tombe : la justice administrative ordonne en effet à la mairie de Malakoff de retirer le drapeau palestinien de son fronton. Cette décision est, à la connaissance de l’AFP, une première depuis l’annonce de la consigne du ministère de l’Intérieur. Jacqueline Belhomme affirme « ne pas s’interdire » de faire appel de cette ordonnance.

Et la maire communiste l’assène : le pavillon - qui a été installé vendredi, afin d’être visible lors d’un rassemblement pour la paix prévu dimanche 21 septembre - sera enlevé mardi matin du fronton de la mairie. «On ne l’enlèvera pas avant, c’est certain.»

A l’instar de Malakoff, Gennevilliers a elle aussi confirmé vouloir faire flotter le drapeau palestinien au fronton de sa mairie lundi 22 septembre, malgré les consignes passées par le ministère de l’Intérieur et les consignes passées par la préfecture. La ville des Hauts-de-Seine, déjà sommée en juin dernier de retirer l’étendard hissé sur le parvis de l’hôtel de ville, se prépare, elle aussi, à une visite des forces de l’ordre. «Nous avons le même préfet que Malakoff», commente, laconique, le maire communiste Patrice Leclerc.

«C’est une atteinte à ma liberté de penser»

A l’autre bout de l’Hexagone, dans les Pyrénées-Atlantiques, la mairie de Mauléon-Licharre a, elle, accepté de retirer le drapeau de son fronton avoir reçu un appel de la préfecture, rapporte ce samedi Ici Béarn Bigorre. Le maire communiste, Louis Labadot, assure s’être senti «obligé» de se plier à cette décision, après que la préfecture lui a annoncé avoir saisi le tribunal administratif pour «non-respect des principes républicains.»

«J’ai coupé les deux ficelles ce matin (samedi) et le drapeau est maintenant dans mon bureau. C’est une atteinte à ma liberté de penser. Il paraît pourtant que la France est le pays des droits de l’Homme. Je ne comprends pas cette décision», s’indigne-t-il au micro de la radio locale. Louis Labadot s’étonne par ailleurs qu’un autre drapeau, celui d’Israël, soit «resté pendant 27 jours au fronton de la mairie de Nice», et que «personne n’ait rien dit».

Pour sa part, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques répond s’opposer «à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques». Elle souligne enfin que «la forte instrumentalisation politique de ce drapeau rend d’autant plus manifeste l’atteinte au principe de neutralité du service public».

A l’origine de l’idée de pavoiser les mairies avec le drapeau palestinien, Olivier Faure s’est fendu d’un tweet cinglant ce samedi en direction de Bruno Retailleau. «Respect et soutien », écrit le Premier secrétaire du PS, en reprenant un message de février 2022 où celui qui était alors chef des Républicains au Sénat se félicitait de l’installation du drapeau de l’Ukraine dans l’hémicycle de la chambre haute : «Au moment où les parlementaires ukrainiens ont décidé de prendre les armes pour défendre leur patrie. Respect et soutien», disait à l’époque Bruno Retailleau.

Mise à jour : à 18 h20, avec l’ajout du tweet d’Olivier Faure.