Mardi 24 juin, 15 h 15 dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Comme souvent ces derniers mois, le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, se lève de son siège et s’avance au micro pour interpeller le Premier ministre François Bayrou. Une fois encore, la question du député des Landes concerne les retraites. Quoi de plus logique au lendemain de la fin d’un «conclave» consacré au sujet, qui n’a abouti à aucun accord entre les syndicats et le patronat ? «En dépit de cet échec, allez-vous, comme vous vous y êtes engagé, déposer sans délai un texte de loi ouvrant la voie à une réforme nouvelle, sans totem ni tabou ?» interroge le parlementaire.
Question directe… et réponse floue du Premier ministre, qui n’ouvre à aucun moment la porte à une modification de l’âge légal de départ à la retraite. Vallaud se déclare alors «contraint» d’annoncer le dépôt d’une motion de censure de son groupe contre le gouvernement. «Le respect de la parole donnée est la base même du régime démocratique», justifie-t-il.
Si les socialistes en sont là, eux qui ont épargné François Bayrou au début de l’année en ne le censurant pas sur son projet de budget, c’est parce que, disent-ils, le chef du gouvernement n’a pas tenu ses engagements. En janvier, alors que les communistes, écologistes et insoumis n’ont pas hésité à déposer des motions de censure contre le chef du gouvernement, les roses avaient pris un autre chemin. Voulant incarner la «responsabilité», le PS s’est lancé dans des négociations avec le gouvernement pour que la France puisse se doter d’un budget. Des heures et des heures d’échanges qui ont abouti sur un refus socialiste de voter la censure, en échange d’une remise en débat, par les partenaires sociaux, de la réforme des retraites de 2023. Et surtout d’un engagement à soumettre un texte sur le sujet au Parlement à la fin des discussions.
Ce ne sera finalement pas le cas, comme le laissaient augurer les tournures alambiquées utilisées depuis par François Bayrou. «Bilan des combines du PS pour sauver Bayrou avec un pacte de non-censure qui a détruit le NFP : un budget pire que le précédent et une mascarade sans aucun résultat sur la retraite à 64 ans», a ainsi réagi Jean-Luc Mélenchon lundi 23 mai au soir sur les réseaux sociaux.
«Une majorité large s’est dessinée»
Après l’échec du conclave, la pression était forte sur le PS, régulièrement moqué par les insoumis comme la béquille du gouvernement. A peine l’absence d’accord officialisée, les cadres du mouvement mélenchoniste ont appelé leurs anciens camarades du (feu) Nouveau Front populaire à censurer François Bayrou. «Maintenant, le PS doit assumer cet échec et ses dégâts. Il doit montrer l’exemple pour voter au complet la censure», a écrit le triple candidat à la présidentielle sur X. La pression était d’autant plus grande que, dans la matinée, mardi 24 mai, les communistes et écologistes ont annoncé travailler à un projet de motion de censure qui pourrait être déposé dans les prochains jours. De quoi pousser le PS à se positionner et à en finir avec les «la censure est sur la table» répétés à longueur de journée sur les plateaux télé.
Contrairement au mois de janvier où elle avait fait l’objet d’intenses débats, la censure s’est, cette fois, imposée sans grande difficulté parmi les députés PS. Mardi matin, en réunion de groupe, «une majorité large s’est dessinée» en ce sens, raconte un participant. Seuls trois députés auraient défendu la stabilité lors des échanges, affirme un socialiste. Une inversion du rapport de force que le député d’Indre-et-Loire, Laurent Baumel, explique, outre le non-respect de l’engagement gouvernemental, par la personnalité de François Bayrou. «Il ne bénéficie plus d’un a priori favorable comme en janvier. Il y a un ras-le-bol profond de ce Premier ministre qui apparaît comme une tromperie majeure», développe-t-il. Et même si la motion de censure qui devrait être examinée dans les prochains jours a peu de chance d’être adoptée puisque le Rassemblement national refuse de la soutenir, certains socialistes soulignent une chose : ils n’auront pas été l’assurance vie de François Bayrou jusqu’à la fin.