Peut-on imaginer le général de Gaulle utiliser l’écriture inclusive ? Eh bien, oui. L’ancien président a largement utilisé la tournure «Françaises, Français» pour s’adresser à ses concitoyens et ses concitoyennes, qui ont obtenu le droit de vote en 1944, s’attirant au passage les foudres de l’Académie française. Ce type d’expression, parfois appelée double-flexion, est l’une des nombreuses formes de l’écriture inclusive (ou langage épicène), qui s’attache à éviter les discriminations sexistes dans la langue et à redonner de la visibilité au féminin.
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Le député LREM François Jolivet souhaite l’interdire dans les administrations et les organismes chargés d’une mission de service public. Dans une proposition de loi du 17 février, il s’attaque à «l’usage de l’écriture inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine». Sur Twitter, il accompagne sa proposition d’un commentaire expliquant qu’il ne vise pas les tournures comme «chères collègues, chers collègues». Si c’est le cas, il va devoir revoir sa copie car ce type d’expression tombe directement sous le coup de son texte de loi. N’est pas linguiste qui veut…
Sexisme de la langue
Le grand combat de François Jolivet, c’est le point médian, signe typographique utilisé comme abréviation lors de l’inclusion d’une forme au féminin. Ainsi, au lieu d’écrire «chères collègues et chers collègues», on peut préférer «chèr·e·s collègues». Mais le député semble oublier que l’écriture inclusive ne se résume pas à un point. Elle regroupe un certain nombre de pratiques comme la féminisation des noms de métiers et des fonctions, l’utilisation de formes épicènes (par exemple «élève», qui a la même forme au masculin et au féminin, contrairement à «écolier» et «écolière») ou encore l’accord de proximité («de belles villes et villages» au lieu de «de beaux villes et villages», ainsi que le détaille le podcast Parler comme jamais).
Ces débats sont loin d’être anecdotiques. Contrairement aux déclarations du député selon lesquelles l’écriture inclusive «ne sert en rien le juste combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes», des études ont démontré que l’utilisation du masculin comme genre neutre ne favorise pas un traitement équitable des femmes et des hommes. La chercheuse en stylistique et linguistique française Laélia Véron rappelle dans un article que l’utilisation de termes uniquement au masculin pour certains métiers, dans les offres d’emploi par exemple, diminue le degré de confiance des femmes et donne l’impression que les hommes auront plus de chance de réussir à ce poste. Bref, François Jolivet aurait été bien inspiré de savoir de quoi il parle avant de présenter un texte aussi pauvre à ses collègues.