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Elections européennes : Marie Toussaint pointe à son tour les «ambiguïtés politiques» de Raphaël Glucksmann

Tout en se refusant à participer à la «guerre des gauches», la tête de liste écologiste aux européennes, en meeting ce samedi 20 janvier dans le Nord, a écorné le futur chef de file du PS et critiqué «la nostalgie sociale-démocrate».

La tête de liste écologiste Marie Toussaint en meeting à Villeneuve-d'Ascq, le 20 janvier. (Sameer Al-Doumy/AFP)
ParSacha Nelken
Journaliste - Politique
Publié le 20/01/2024 à 20h00

Les écolos ont, semble-t-il, retenu la leçon. Oubliez la désormais célèbre «booty-therapy» qui a suscité de nombreuses moqueries et critiques après le premier meeting de Marie Toussaint pour les européennes du 9 juin. Pour la deuxième réunion publique de la tête de liste des écologistes, le parti a fait cette fois-ci dans la sobriété, à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille. C’est que ce samedi 20 janvier, l’événement est dédié à un thème des plus sérieux : «L’égale dignité». «C’est un sujet central, c’est le combat de ma vie, l’héritage que m’ont légué mes parents [membres de l’association ATD Quart-Monde, ndlr]», justifie la candidate autour d’un café avant le meeting. Un moyen également de marteler un des leitmotivs de sa campagne : l’écologie est indissociable du social.

Mais ce samedi, avant de s’adresser aux militants de tous âges venus l’écouter dans cet espace qui accueille en temps normal des concepts stores et un food court, Marie Toussaint a décidé de donner la parole à «des gens que l’on entend peu». Sur la scène agrémentée de néons bleu et vert se succèdent alors plusieurs «témoins» : Brahim Ben Ali en guerre contre l’ubérisation, Coralie Bonvarlet et Dorothée Kennedy venues raconter leurs vies d’employées en Territoires zéro chômeur de longue durée puis Sue Ellen Demestre pour témoigner des «humiliations» vécues par les gens du voyage. Enfin, Pierre Pluta, 77 ans, retrace son combat pour tenter d’obtenir un procès pénal contre des chefs d’entreprise, des politiques et des médecins pour avoir tardé à faire interdire l’amiante en France. L’ancien ouvrier des chantiers navals de Dunkerque a lui-même été contaminé et souffre aujourd’hui d’asbestose, une maladie pulmonaire. Un témoignage vivement applaudi.

Discours en retard et chansigne

Les prises de paroles de colistiers et de la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, se multiplient ensuite. Avec presque trente minutes de retard sur le programme, Marie Toussaint est enfin annoncée sur scène. Mais avant ça, une petite «surprise». Le rappeur Jesers et le chansigneur Adamo apparaissent. Pendant que le premier rappe, le second interprète les paroles en langage des signes. Contrairement au meeting précédent où plusieurs dizaines de militants avaient quitté l’Elysée Montmartre à cause de l’interminable séance de twerk collective, l’assistance apprécie et tape des mains chaleureusement. Il est presque 19 heures, voilà la tête de liste derrière le pupitre.

«Nous sommes réunis autour d’un mot, d’un mot boussole, un mot balise qui est le phare qui doit nous éclairer quand la nuit de l’obscurantisme et du désespoir s’abat sur nous», déclare l’écologiste. Puis, fidèle à sa promesse de faire du social un de ses principaux axes de sa campagne, la candidate promet que «[son] écologie ne fait pas de leçon aux pauvres». «Elle apprend d’eux, se déploie à partir d’eux, s’appuie sur les inégalités qu’ils subissent pour remettre en cause le désordre écologique et social du monde», développe-t-elle. Les politiques publiques devraient, à ses yeux, être «pensées à partir des vulnérabilités» pour mettre en place de nouvelles protections sociales et environnementales. L’Europe dit «du care» qu’elle porte depuis son investiture comme tête de liste des écolos en juillet 2023.

«Plan européen zéro mort au travail»

Côté mesures concrètes, l’écologiste défend, une nouvelle fois, l’idée d’un «droit de veto social» . Une proposition inspirée des associations de lutte contre la pauvreté qui veut qu’aucune politique ne soit adoptée si elle se révèle être néfaste pour les 10 % d’Européens les plus pauvres. «Je prétends que cette règle est plus juste et plus rationnelle que la règle des 3 % de déficit qui a longtemps cadenassé l’Union européenne en imposant l’austérité», plaide-t-elle. Au micro, la cofondatrice de «Notre affaire à tous» soumet l’idée «d’une clause de l’ouvrier le plus favorisé afin de construire l’harmonisation par le haut des travailleurs en Europe contre le dumping social». Puis Marie Toussaint égraine une série de propositions telles que la mise en place «d’un plan européen zéro mort au travail», la semaine de quatre jours, la limitation des écarts de salaire de 1 à 20 ou un encadrement des loyers à l’échelle européenne.

Au-delà de son seul projet, Marie Toussaint aborde la situation politique. Comme elle l’a maintes et maintes fois répété, l’écologiste dit «ne pas vouloir participer à la guerre des gauches» qui ne mènerait qu’à «un Verdun de la gauche et des écologistes». Pour autant, l’eurodéputée s’attarde quelques instants sur la future tête de liste du PS Raphaël Glucksmann que certains sondages placent devant elle et qui tenait également un meeting ce samedi à Bordeaux. Tout en assurant qu’elle refuse de suivre les conseils de certains qui l’inviteraient à l’attaquer sur son profil de «grand bourgeois», elle entérine tout de même l’idée qu’il serait «le chouchou des médias» et qu’il souffrirait de quelques «ambiguïtés politiques». Ou comment taper sans taper. Avant le meeting, Marie Toussaint résumait le duel pour la première place à gauche ainsi : «Une question est posée : est-ce qu’on choisit la transformation écologiste ou est ce qu’on choisit la nostalgie sociale-démocrate ?»