Un homme pressé traverse Paris sur un Vélib. Ce 11 avril, Raphaël Glucksmann est encore de l’autre côté de la Seine lorsque son équipe l’appelle : on l’attend ici, dans le XXe arrondissement, pour une réunion publique qui va bientôt commencer. «Je vous rejoins directement à l’intérieur», rassure la tête de liste du Parti socialiste. «Quel homme politique arrive comme ça, seul à vélo, à son meeting ?» s’amuse une semaine plus tard son directeur de campagne, Saïd Benmouffok.
En 2019, l’eurodéputé, qui creuse aujourd’hui l’écart avec le reste de la gauche dans les sondages, à la troisième place derrière la majorité et l’extrême droite, avait passé la campagne à se débattre dans un costume de candidat qu’il ne parvenait pas à enfiler. «Il était tétanisé, on était consterné», raconte un proche. Cet enfant bien né, fils du philosophe André Glucksmann, étudiant à Henri-IV et à Sciences-Po, de ceux censés se sentir toujours légitimes, à l’aise partout, souffrait d’un syndrome de l’imposteur. Il s’observait, gêné, jouer faux ce rôle qui n’était pas le sien. «La politique suppose qu’on se vende et je ne sais pas faire ça, disait-il à Libération en janvier. Je suis bon pour parler d’Alep ou de l’Ukraine, parce que je le fais pour les autres.» A l’époque, des socialistes peu soucieux du surmoi de leur candidat avaient tenté de le faire entrer dans le moule. Il en reste une image «traumatique» pour Glucksmann et ses proches : l’affiche de campagne