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Libération
A domicile

Après la correction infligée par Attal, Bardella cherche du réconfort à Hénin-Beaumont, terre RN

Au lendemain de son débat face au Premier ministre la tête de liste du Rassemblement national aux européennes a refait le match, tout seul, traitant le son adversaire de jeudi «premier menteur de France».
En meeting à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) jeudi 24 mai, Jordan Bardella et Marine Le Pen ont cherché à afficher une image d'unité du Rassemblement national. (Stephane Dubromel/Hans Lucas pour Liberation)
publié le 24 mai 2024 à 22h53

Les fesses encore rouges du débat télévisé de la veille, où il s’est fait corriger par Gabriel Attal, Jordan Bardella est monté sur la scène de la salle François-Mitterrand d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), où il tenait meeting vendredi soir, devant plus de trois mille sympathisants. Ici, en terres frontistes, le fond de l’air est plus clément et les orateurs chargés de chauffer la salle en profitent pour passer un peu de pommade sur le postérieur du dauphin. A commencer par le maire de la ville de 26 000 habitants, Steeve Briois, qui a ravalé pour la soirée sa rancune tenace contre le président du Rassemblement national (RN) qui avait promis de «rouler en char Leclerc sur [s]a mairie de merde».

«Personne ici n’ignore que j’ai pu faire valoir mes divergences avec la sincérité et la franchise qu’on me connaît mais cela n’a rien changé à ma loyauté», s’évertue Briois. Dans une allocution tournée contre les «sachants», les «technocrates» et leur «arrogance», dans laquelle les macronistes sont invités à se reconnaître, Marine Le Pen prend la défense de son poulain en s’attaquant aux journalistes. «Depuis 24 heures, la presse si neutre, objective, nous raconte à quel point Attal a brillé, émerveillant la France par son talent. Les Français ont donné leur verdict : une majorité plus que confortable des Français ayant regardé le débat ont accordé la victoire à Jordan Bardella», raille-t-elle en référence à un curieux sondage Odoxa basé sur un échantillon de Français ayant été «exposés» au débat, sans que l’on comprenne bien ce que cela signifie. Le public ovationne, Le Pen en repasse une couche : «C’est assez révélateur, la différence entre les commentaires et ce que les Français ressentent […] la démocratie vacille.» Rien que ça.

«Victoire aux tirs au but pour Attal»

Dans la salle, nombre de militants interrogés par Libé n’ont pas vu le débat, ou prétendent ne pas l’avoir fait pour éviter d’en parler. Un collaborateur parlementaire consent tout de même à faire preuve d’honnêteté : «Pour moi c’était match nul et victoire aux tirs au but pour Attal. J’ai le sentiment d’avoir un peu revécu le débat de Marine en 2022 : on reste sur la défensive par peur de paraître fébrile et on finit par prendre des baffes.»

Sur scène, sans contradicteur, Jordan Bardella peut rejouer le match à son avantage. «J’ai fait face hier soir au premier menteur de France : monsieur Gabriel Attal, fanfaronne-t-il. Contrairement à Valérie Hayer qui ne sait plus où elle habite depuis le début de la campagne, Gabriel Attal était très agité au point de ne pas pouvoir se contenir et de me couper les paroles, j’ai compté, à peu près, toutes les trente secondes.» Petit chat… Ayant échoué à singer la morgue macroniste qu’il avait pourtant adoptée lors de son précédent débat contre la tête de liste Renaissance, au point de reprendre les formules du président de la République lors de son débat de 2017, le président du RN se range désormais dans le camp de «ceux qui défendent la vérité avec humilité». «Contrairement à ceux qui nous gouvernent nous avons le souci des gens», promet-il ensuite, la main sur le cœur. Avant d’entonner les refrains RN avec lesquels il semble plus à l’aise, à commencer par sa volonté de réserver les allocations familiales aux seuls Français. La foule exulte. Il finit par appeler «tous les Français, de droite [l’assistance applaudit] comme de gauche [l’assistance hue]», à voter pour lui le 9 juin.

Gauche unie contre l’extrême droite

A quelques encablures de là, plusieurs associations féministes tiennent une contre-manifestation destinée à alerter sur les dangers que l’extrême droite fait peser sur les femmes. Notamment pour le droit à l’avortement. La conseillère de Paris, Alice Coffin en profite pour donner de la visibilité à la campagne européenne qu’elle coordonne pour rassembler un million de signatures autour d’un texte appelant au remboursement de l’IVG sur tout le continent. «On fait l’analyse que la question de l’avortement permet de mobiliser plus facilement contre l’extrême droite qui monte partout en Europe», explique l’ancienne journaliste. La manifestation est aussi l’occasion d’offrir le (rare) spectacle d’une union de la gauche : le député socialiste Pierre Jouvet débarque avec la locale de l’étape, Marine Tondelier, conseillère municipale de la ville, qui tombe dans les bras de l’insoumise Raquel Garrido. «Alors c’est le grand retour ?», se marre la première ? La députée de Seine-Saint-Denis se rappelle la campagne législative de Jean-Luc Mélenchon, contre Marine Le Pen, en 2012. A l’époque, la candidate d’extrême droite avait laissé des sbires distribuer un tract appelant à voter pour son rival en arabe. Sur un autre, figurait une photo du futur insoumis grimé en Hitler, devant l’entrée d’Auschwitz. A l’époque, la fille de Jean-Marie Le Pen ne faisait pas semblant.