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Libération
Rentrée des classes

A l’Assemblée, les députés RN tentent de faire bonne figure

Marine Le Pen a tenté, mercredi, de masquer sa déception au Palais-Bourbon entourée d’une large partie du groupe RN qui comptera 125 élus.
Marine Le Pen et les députés RN arrivent à l'Assemblée nationale, ce mercredi. (Denis Allard/Libération)
publié le 10 juillet 2024 à 21h18

Ceci n’est pas une pipe. Et encore moins une défaite. Malgré les mines tirées sur le perron de l’Assemblée, mercredi matin, la tête des sales jours de Marine Le Pen, qui avoine la meute des journalistes et la rentrée de ses ouailles au pas de charge, Jordan Bardella l’a assuré, lors de la première réunion du nouveau groupe parlementaire du Rassemblement national (RN) : «Ne vous laissez pas atteindre par ce petit bruit médiatique qui consiste à expliquer que, somme toute, c’est une défaite.» «Il est clair que nous aurions, pour le pays et les Français, voulu être aux responsabilités dans le cadre d’une cohabitation, mais ça n’est pas une défaite», a ajouté le même, comme pour s’en convaincre.

Lui-même avait pourtant prononcé le mot interdit, deux jours plus tôt devant le siège de son parti. «J’assume ma part de responsabilité tant dans la victoire aux élections européennes que dans la défaite d’hier», avait-il déclaré à la presse. Une faiblesse passagère, à mettre sur le compte du contrecoup.

Celui-ci est encore palpable, mercredi matin, sur la place du Palais-Bourbon où les députés frontistes se sont donnés rendez-vous à 9h30, pour la photo de famille. Bien sûr, certains rigolent, se saluent ou se retrouvent. «Je ne parle pas à ceux qui ont été élus dès le premier tour», plaisante un reconduit. D’autres font connaissance poliment, façon speed-dating«Salut, Marc, de Calais.» «Bah, Katiana, de l’Eure.» Mais rien à voir avec les gloussements, rigolades et embrassades du mois de juin 2022. Cette fois, personne n’a trop envie de parler à la presse, les anciens connaissent la musique et les nouveaux ont déjà reçu consigne de la boucler. Entouré par une forêt de perches et de caméras, l’ancien vice-président de l’Assemblée, Sébastien Chenu, répète qu’il attend sa «cheffe».

«On se retrouve avec un bourbier»

Le numéro 2 du groupe, Jean-Philippe Tanguy, écarte les questions en se dirigeant vers ses collègues : «J’ai envie de parler à des êtres humains.» Le Pen débarque pour un rapide tour de place et lâche que sa victoire n’est «que partie remise». «On se retrouve avec un bourbier puisque personne n’est capable de savoir de quels rangs sera issu le Premier ministre et quelle politique sera menée pour le pays», poursuit-elle, manifestement ulcérée par les manœuvres de la gauche destinées à écarter l’extrême droite des postes clés de l’Assemblée. Les révélations de Libération sur ses dîners avec Edouard Philippe et Sébastien Lecornu chez Thierry Solère, un proche d’Emmanuel Macron, ont l’air de l’agacer aussi. «Je dîne avec toute une série de gens, c’est tout à fait normal», répond celle qui niait avoir participé aux casse-graines, avant la publication de l’article.

Difficile, au vu de l’ambiance lourde de la matinée, de croire que la formation d’extrême droite réalise une percée historique et rentre à 143 dans la chambre des députés, deux ans après les 89 (puis 88, après l’annulation d’une élection) de la précédente mandature. Au fait, combien sont-ils exactement, ce mercredi sur le perron ? Les intéressés n’ont pas l’air de trop savoir. «Normalement, on est 123, peut-être que ça a changé», croit savoir une collaboratrice.

«On rentre en force, à 143», affirme une députée en montrant ses nouveaux copains sur la volée de marches, oubliant que la veille, Eric Ciotti a fait sa rentrée avec les 16 membres de son groupe négocié avec le RN. Ce qui ramène les frontistes pur jus à 126 âmes, auxquelles il faut retrancher le député de l’Yonne, Daniel Grenon, qui devrait siéger en non-inscrit après ses propos tenus auprès de l’Yonne républicaine («Le Maghrébin binational a sa place en France, mais dans les hauts lieux, je ne pense pas. On a besoin de protéger la France»). Soit 125, le chiffre que donne l’attaché de presse de Marine Le Pen, et qui devrait être le bon si les trois proches de Marion Maréchal décidaient de siéger avec le RN et non avec le groupe d’Eric Ciotti, A droite !

Roger Chudeau avec ses anciens camarade frontistes

Mercredi, la décision était encore pendante, mais les bruits de couloir évoquaient un transfert – trois ciottistes basculeraient au RN, et les trois proches de la petite-fille de Le Pen rejoindraient le Niçois. Un tel chassé-croisé donne un aperçu du caractère «ciottiste» du groupe de l’ex-président de Les Républicains, en même temps que du peu d’appétence de Marine Le Pen pour les fidèles de sa nièce, parmi lesquels se trouve un ancien du FN, et Anne Sicard, issue de l’Institut Iliade, un think tank racialiste fondé par Jean-Yves Le Gallou.

Réélu député du Loir-et-Cher, Roger Chudeau siégera bien, lui, avec ses anciens camarades frontistes. Il revient de loin. Favorable à l’interdiction des postes ministériels aux Français binationaux, celui qui était pressenti pour occuper le ministère de l’Education nationale en cas de victoire de son camp, s’en était pris pendant la campagne sur BFMTV, à l’ex-patronne de la rue de Grenelle, sous François Hollande. «Najat Vallaud-Belkacem, franco-marocaine, qu’a-t-elle fait ? Elle a détruit le collège public bien sûr et surtout elle a voulu instituer au CP des cours d’arabe», s’était emporté l’ex-inspecteur de l’éducation nationale, ressortant une vieille fake news d’extrême droite. Dès le lendemain matin, Marine Le Pen s’était prétendue «estomaquée» par ce propos «totalement contraire au projet du RN». Pas au point quand même de l’exclure de son groupe.