Le faste de la Maison de la chimie, QG de campagne par Valérie Pécresse à quelques pas de l’Assemblée, tranche avec les mines déconfites des militants présents. Considérablement distancée dans les sondages, la présence au second tour de leur candidate semblait de moins en moins probable. Alors côté orga, on a fait le strict minimum : pas de pancartes, de drapeaux ou d’affiches. Une poignée d’élus LR seulement sont présents, pour plus d’une centaine de militants. Et quand s’affichent sur les écrans les visages d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen, vainqueurs du premier tour, seul un léger souffle de déception se fait entendre. Quelques secondes plus tard par contre, la stupeur traverse la salle : «Oh !» Pécresse se classe seulement cinquième et stagne à 5 % des suffrages (un score ensuite revu à la baisse, à 4,8 %). Une dégringolade.
«On espérait au moins un score honorable»
Parmi la foule, une femme fixe l’écran, les yeux ronds. Elle semble ne pas y croire. «Je ne m’attendais pas forcément à ce qu’elle soit au second tour, mais derrière Zemmour ce n’est pas possible !», regrette Catoucia, 44 ans. «Ce n’est pas un vrai candidat, il n’a jamais fait de politique, n’a pas de programme…», souffle la quadragénaire. A côté d’elle, une petite dame pleure. «Je me suis donnée à fond, on espérait au moins un score honorable», se désole-t-elle. Une autre, plus jeune, regarde fixement le fond de la salle, l’air hagard. A 16 ans, c’est son premier engagement dans une campagne, sa première déception également. Quelques minutes avant les résultats, Alice croyait encore à une victoire de celle qu’elle considère comme son «modèle» et priait pour que les sondages disent faux.
A l’instar de la jeune fille, au début de la soirée, on trouvait encore quelques rares élans d’espoir au QG. «Bien sûr qu’elle a des chances, sinon on ne serait pas là», assurait Martine, badge à l’effigie de la candidate sur le blazer. La quinquagénaire a tracté pendant toute la campagne. A ses côtés, un jeune lycéen semble plus nerveux. «Allez, reste zen, il faut continuer à y croire», lui lance Martine. «J’espère au moins qu’on fera 10 %», soufflait Paul, 17 ans mais déjà militant. Finalement, sa candidate fait moitié moins.
Dans la foule, on accuse les conditions de la campagne. «Entre un président sortant qui refuse de débattre et transmet à la place des extraits de son meeting – du jamais vu – et le contexte avec le Covid-19 et la guerre en Ukraine, on n’a pas parlé assez des vrais sujets et du projet de Valérie Pécresse», estime Jens Villumsen, membre de l’organisation. Depuis 17 heures, il s’active dans la salle et ne cache pas sa «frustration». «Le vote utile a joué en notre défaveur», juge le jeune homme de 27 ans.
«Son charisme qui n’a pas convaincu»
Si comme lui, la plupart considèrent ce résultat «injuste», la déception incite certaines langues à se délier. «La guerre en Ukraine a bon dos…» lâche Yann, la cinquantaine, qui reconnaît lui-même être allé voter sans entrain ce matin. «Peut-être est-ce son charisme qui n’a pas convaincu : les gens ont besoin d’un leader, d’un guide dans l’obscurité. Et puis elle est trop étiquetée comme une femme qui a du pognon et pas assez d’empathie envers une France précarisée», estime-t-il, veste en cuir sur le dos.
Lui va voter contre l’extrême droite au second tour. Dans un discours très bref, Valérie Pécresse annonce qu’elle donnera sa voix à Emmanuel Macron et a incité ses soutiens à faire de même. Sous une légère salve d’applaudissements. Mais dans la salle, les «c’est son choix», «chacun est libre», «on verra bien» prédisent que peu suivront aveuglément le chemin de leur candidate.
Que reste-t-il du parti historique les Républicains ce soir ? Ceux qui peuvent le dire ne sont pas plus nombreux. Alors que cette troisième défaite consécutive signe le long déclin du groupe politique, quelques rares élus sont venus calmer l’incendie, prêts à se remettre en question. Ainsi, Stéphane Le Rudulier, sénateur : «On doit retravailler notre ligne politique, à force de vouloir faire le grand écart entre le centre et la droite. Il faut reconstruire une droite affirmée sur ses valeurs et ses convictions.» Alors que dès 21 heures, l’ambiance prend des airs de fin de soirée, un militant se veut optimiste. Il voit cet échec électoral comme «une nouvelle ère pour la droite» après une «nécessaire clarification». «Il faut tout reprendre de A à Z, avec une nouvelle génération de jeunes assez mobilisés», lance le jeune homme. Il fête aujourd’hui ses 27 ans. «On va au moins pouvoir célébrer quelque chose ce soir», sourit-il.