Depuis dimanche, entre Les Républicains et la majorité, on joue au poker menteur et au billard à trois bandes. Le tout sur fond d’escalade entre l’Ukraine et la Russie. Tout commence ce week-end avec le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, qui accuse François Fillon de s’être fait «complice» de Vladimir Poutine. La raison ? L’ancien candidat à l’élection présidentielle de 2017 a rejoint en décembre siège au conseil d’administration du géant russe de la pétrochimie Sibur.
Un groupe notamment contrôlé par Leonid Mikhelson, un milliardaire russe parmi les plus riches du pays, et Guennadi Timchenko, proche de Poutine. «Quand on est ancien Premier ministre, et j’ai du respect pour le Premier ministre qu’a été François Fillon, on se déshonore quand on se met au service des intérêts financiers russes proches de l’Etat russe», juge Clément Beaune.
Conséquence : le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes demande à Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à la présidentielle, de «clarifier» sa position à ce sujet. «Les Républicains, c’est le parti de François Fillon qui est complice de Poutine», assène le secrétaire d’Etat au micro de Radio J.
Une pièce dans la machine
L’affaire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter un tweet qui a remis une pièce dans la machine. Publié jeudi par le compte officiel du gouvernement russe, il a mis quelques jours avant de se faire repérer. Il s’agit d’une photo où l’on voit François Fillon assis en face d’Alexander Novak, vice-Premier ministre russe. Sur la table figurent les deux drapeaux, russe et français. Il n’en fallait pas plus pour faire réagir au sein de la majorité, à l’image de la députée européenne LREM Nathalie Loiseau : «Je ne comprends pas ce que fait un drapeau français sur cette photo. François Fillon a fait un choix, celui de travailler pour des intérêts russes. Il ne représente en rien la France. Et c’est mieux ainsi.»
Deputy Prime Minister Alexander Novak held a meeting with François Fillon, board member of SIBUR and Zarubezhneft https://t.co/tOD2EKktHK pic.twitter.com/RoUKADtB4x
— Government of Russia (@GovernmentRF) February 16, 2022
De quoi faire contre-attaquer LR. Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains au Sénat, a fustigé ce mercredi au micro de France Info «des attaques minables» de la part du gouvernement et estime que le secrétaire d’Etat tente là «de faire oublier les lacunes de la politique d’Emmanuel Macron» sur le terrain géopolitique. Il ajoute : «Cela fait dix ans que François Fillon n’est plus Premier ministre, il est parfaitement libre de travailler dans une société. Jamais il ne se serait engagé dans le conseil d’administration d’une société s’il y avait une sorte de conflit avec les intérêts supérieurs de son pays.» Et il réaffirme toute sa «confiance» à l’égard de l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Quant à Gérard Larcher, président LR du Sénat, il dit regretter sur France 2 que François Fillon fasse «l’objet de tellement d’attaques et de mises au ban de la société».
Pécresse demande plus de «dignité» à LREM
A l’image de l’escalade russe cette semaine avec la décision de Poutine de reconnaître l’indépendance de deux provinces séparatistes de l’est de l’Ukraine, le jeu de ping-pong entre LR et LREM a pris un tour nouveau. Sur France Inter mardi matin, c’est Valérie Pécresse elle-même qui a répondu au secrétaire d’Etat : «François Fillon a appelé Emmanuel Macron, qui a désavoué Clément Beaune sur ses propos.» Et de lancer qu’elle «attend plus de dignité» de la part du gouvernement. «Emmanuel Macron est en charge de l’UE, ça ne tolère pas de petites politiques politiciennes de campagne», a-t-elle dit. François Fillon, lui aussi sur la radio publique, a simplement assuré qu’il ne «divulgue jamais» ses conversations avec le président de la République.
Le fin mot de l’histoire revient finalement à Clément Beaune. Au micro de France Inter, il a assuré ce mercredi que «non», le président de la République ne lui avait pas remonté les bretelles sur ce sujet. Le secrétaire d’Etat a bien compris que la meilleure des défenses, c’est l’attaque. Surtout en politique. Alors il dit : «Je crois que Valérie Pécresse a quelques difficultés avec les chiffres ou les faits. Ce n’est pas la réalité.» Puis : «Quand on est candidat à l’élection présidentielle, je pense qu’il y a un peu d’élégance républicaine qui existe à ne pas faire état de discussions du président de la République ou de l’ancien Premier ministre.» Il «assume» ses propos et ne veut pas «polémiquer». La boucle est bouclée ?