Dans la ligne 4 du métro parisien, vers 6 heures du matin, plusieurs personnes, les yeux clos, tentent de grappiller quelques minutes de sommeil supplémentaires. Si la plupart sont en route pour le travail en ce lundi 8 juillet, Maé, 25 ans, n’a de son côté pas dormi de la nuit : le jeune homme a fait la fête non-stop avec ses amis à Châtelet pour fêter la victoire de la gauche aux législatives. On le rencontre assis sur un siège sur le quai. «On a bu des verres et discuté pendant des heures, ça nous a fait un bien fou : on était tellement soulagés», dit l’étudiant, les yeux brillants sous ses sourcils blond platine. Ce 8 juillet a un goût de lendemains qui chantent pour Maé, jeune homme trans qui «s’attendait vraiment, au regard du premier tour, à ce que l’extrême droite soit victorieuse». «Quand on a vu les résultats, ça a été une délivrance incroyable : on va pouvoir continuer à exister de manière ubuesque», sourit celui qui, la semaine dernière, est allé tracter trois fois pour le NFP et compte bien continuer à se mobiliser : «On l’a vu hier : quand la gauche est unie, ça fonctionne. Il y a forcément un espoir qui renaît pour l’élection présidentielle de 2027.» D’ici là, Maé a bien mérité de se reposer un peu : il lui tarde «d’aller faire un câlin à son chat», puis de se glisser dans son lit et de «s’endormir heureux».
Analyse
Kissima, lui, rentre du travail. L’homme de 54 ans, qui a aussi voté NFP, est «soulagé» de l’issue de ce second tour. Cet agent de quai chez DHL est peu prolixe : il est fatigué et pressé d’arriver chez lui. Il nous dit gentiment au revoir et reprend sa partie de Candy Crush. Un autre usager du métro, lui, regarde les résultats des élections sur son téléphone. D’autres écoutent de la musique ou visionnent des vidéos sur les réseaux sociaux, somme toute comme un lundi matin classique.
«Je n’ai pas tout suivi : je n’ai pas le droit de vote», nous explique une jeune femme de 35 ans. Arrivée en France en 2018, cette femme de ménage malienne se dit tout de même «contente que l’extrême droite ne soit pas passée : la suppression du droit du sol, leur discours sur l’immigration… Tout cela n’est pas souhaitable». Atou, elle aussi femme de ménage originaire du Mali, est au bord des larmes au moment de nous parler : la vingtenaire a «eu très peur». «Après avoir donné ma voix au NFP au premier tour, je ne suis même pas allée voter au second : j’avais perdu espoir. Je m’attendais déjà à devoir partir de France, quand bien même j’ai la nationalité française. Mes amis m’ont remonté les bretelles, je ne suis pas fière : aux prochaines élections, c’est sûr, j’irai voter !» Et d’ajouter, la voix étranglée : «Les discours xénophobes, racistes, on y était déjà habitués avant. Mais la perspective de l’extrême droite au pouvoir, c’est encore autre chose. Je suis vraiment très contente ce matin.»
A la sortie du métro, au niveau de la gare Montparnasse, on croise Fabrice, un éboueur de 45 ans. Tout en nettoyant le sol jonché de mégots avec un balai, cet homme noir nous indique avoir voté RN. «Certaines personnes ont été choquées : tout de même, passer de la première à la troisième place en seulement une semaine…» D’habitude, il vote un coup à gauche, un coup à droite. Cette fois-ci, il a souhaité «tenter autre chose» : «J’ai voulu voir si le RN allait pouvoir changer les choses. Les politiques, ils ne tiennent jamais leurs promesses. A mon avis, à l’Assemblée nationale, ça va être la guerre étant donné qu’il n’y a pas de majorité absolue.» Non loin de lui, plusieurs affiches en faveur du Nouveau Front populaire sont collées sur un mur. L’une d’elles dit ceci, répondant aux aspirations de Fabrice : «Votez Nouveau Front populaire pour tout changer.»