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Démocratie citoyenne

Dans les Pyrénées-Orientales, les habitants de Pia plébiscitent un parrainage pour Zemmour

Election Présidentielle 2022dossier
Lors d’une consultation citoyenne, les habitants de la commune roussillonnaise, dont le cœur balance entre extrême droite et abstention, ont choisi de soutenir le candidat Reconquête, qui n’a pas encore réuni ses 500 signatures. L’opposition dénonce une opération de communication du maire.
Jérôme Palmade, ancien membre du Rassemblement national désormais chez les Républicains, a été élu maire de Pia en 2020. (David Richard/David Richard pour Libération)
publié le 28 février 2022 à 15h34

Eric Zemmour désigné premier avec 36,5 % des voix. Marine Le Pen en seconde position avec 28,7 % des suffrages. Non, ce n’est pas un scénario catastrophe du premier tour de la présidentielle, mais le résultat de la «consultation citoyenne libre» organisée par le maire de Pia, ville-dortoir des Pyrénées-Orientales proche de Perpignan. Objectif de ce scrutin : demander à ses administrés à quel candidat il devait accorder son parrainage, et les inciter ainsi à prendre part au débat public.

Rideaux baissés des boutiques

Un peu moins de 700 personnes se sont déplacées pour s’exprimer, soit 8,7 % des électeurs, et ont donc choisi d’offrir ce parrainage au candidat du parti Reconquête qui ne dispose pas pour l’heure des 500 signatures que tout prétendant à la présidentielle doit obtenir pour se présenter, et ce avant le 4 mars. Jérôme Palmade, 33 ans, ancien RN, élu maire de Pia en 2020 sans étiquette et désormais Les Républicains, affirme que ce taux de participation lui convient : «Je m’étais fixé comme seuil 500 votants. Donc c’est parfait.»

Difficile de trouver un habitant pour commenter ces résultats publiés le 4 février. Le site municipal promettait «une ville propre et accueillante», mais elle semble surtout vide : ni café ni restaurant ouvert, rideaux de fer baissés sur les boutiques, places désertées. Où sont passés les 10 000 habitants ? Les actifs installés dans les zones pavillonnaires travaillent à Perpignan, et les retraités restent calfeutrés chez eux, à l’abri du vent… «En hiver c’est très calme», commente laconiquement Gaël, un ancien SDF qui partage avec son chien un studio de 10 m² niché au coin d’une ruelle. S’il ignore tout de la consultation organisée par le maire, ce n’est pas le cas dans les rares commerces ouverts, où le résultat ne semble étonner personne.

«Une incitation plus qu’une consultation»

Jonathan, le fleuriste, évoque le «ras-le-bol général», source selon lui de ce «vote protestataire» : «Zemmour bénéficie d’un effet de mode. Et puis, il n’appartient pas à la classe politique. On en a marre de tous ces gens qui nous font la leçon», lance-t-il à l’adresse des autres candidats. Antoine, l’épicier, raconte d’emblée qu’il a refusé de participer à cette consultation car, dit-il, on a voulu la lui faire à l’envers : «Juste avant d’organiser ce vote, le maire a déclaré dans un article que la candidature d’Eric Zemmour avait du poids. Du coup, pour moi, c’était plus une incitation qu’une consultation… A mon avis, ceux qui se sont déplacés pour voter, c’étaient surtout des gens d’accord avec le maire. Ici, ça vote RN et je pense que ça va rester comme ça.»

Jusqu’ici, rien ne le démentait : lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen a récolté au second tour près de 60 % des voix. Dans la foulée, Louis Aliot, élu depuis maire RN de Perpignan, obtenait plus de 53 % au second tour des municipales, mais avec un taux d’abstention de 52 %. «Je pensais que Marine Le Pen arriverait en tête de cette consultation, affirme Jérôme Palmade. Mais il y a sept points d’écart entre Zemmour, qui comptabilise 36,5 % des voix, et elle, qui n’a obtenu que 28,7 %. Macron arrive troisième mais très loin derrière, avec 8,9 %.»

«Résultats biaisés»

Le maire hasarde une analyse : «Soit Zemmour réussit à convaincre des abstentionnistes, soit il grignote des voix à Marine Le Pen. En tout cas, je constate qu’il parvient à séduire même des gens d’un bon niveau social. J’en connais.» Persuadé qu’il faut s’attendre à voir déferler une vague Zemmour, Jérôme Palmade prévoit aussi que la candidate RN séduira de nombreux LR «qui ne se retrouvent pas dans Pécresse». Lui-même confie avoir voté pour Eric Ciotti lors de la primaire des LR.

«Le résultat de cette consultation est biaisé car seuls les militants d’extrême droite se sont mobilisés, estime un responsable du PS local. Tout ça ressemble surtout à un coup de com du maire.» Qui, dirait-on, a fonctionné : cette initiative lui a valu de nombreux commentaires enthousiastes sur la page Facebook de la ville, comme celui-ci : «Bravo monsieur le maire. La démocratie enfin de retour.» Un enthousiasme pas partagé par tous, certains habitants pointant la faible participation et regrettant notamment de ne pas avoir pu participer à ce scrutin qui avait été annoncé ouvert jusqu’au 7 février et s’est finalement clos trois jours plus tôt.