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Dans les QG à Marseille : à gauche, l’enthousiasme du maintien, à droite, un résultat inespéré

Malgré les lourdes réticences des partis nationaux, les supporteurs de Jean-Laurent Félizia exultaient dimanche soir à l’annonce du maintien de la liste tandis que chez Les Républicains, on était satisfait d’avoir collé au score du Rassemblement national.
Au QG du candidat de la gauche, Jean Laurent Félizia, dimanche soir, à Marseille. (Patrick Gherdoussi/Libération)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille, Samantha Rouchard, correspondance à Marseille et photos Patrick Gherdoussi
publié le 21 juin 2021 à 0h50

Il l’avait dit «à titre personnel» il y a trois semaines dans Libé, Jean-Laurent Félizia le confirme ce soir au QG du Rassemblement écologique et social vers 22 heures : «Nous avons eu un débat collectif et nous avons décidé, si les résultats définitifs confirment les tendances, de maintenir la voix de la gauche et de l’écologie au second tour.» Sur place, on exulte. «On avait un vrai devoir à l’égard de nos électeurs, insiste Mariane Domeizel, colistière dans le Vaucluse. Pouvait-on trahir leur confiance ? On avait le devoir d’entendre leur message. Le front républicain a vécu.»

Les premières estimations de 20 heures ont précipité cette décision restée incertaine. Dans le QG de l’écolo Jean-Laurent Félizia, près de la place Castellane, dans l’hypercentre de Marseille, la clim est poussée à fond. Les rares militants et colistiers réunis pour la soirée électorale se réchauffent en regardant les chiffres s’affiner sur l’écran télé : Thierry Mariani n’est pas si haut, «c’est une bonne nouvelle, il ne faut pas cacher sa joie», confirme Stéphane Salord, porte-parole de Génération écologie 13 et 10e sur la liste des Bouches-du-Rhône. «Un RN très haut, poursuit-il, c’est une pression politique énorme, la garantie de jours mauvais…»

«Si le RN doit passer, il passera avec ou sans nous»

Ce n’est pas comme si ceux à venir allaient être d’une simplicité folle. Après avoir plus ou moins botté en touche tout au long de la campagne, le temps est venu pour la liste de gauche de choisir sa stratégie : «Il faut faire lisible, utile, et être fidèle aux électeurs», affirme Stéphane Salord, qui ne veut plus «regarder passer les trains» en restant hors de l’hémicycle régional pour sept années supplémentaires. «Si le RN doit passer, il passera avec ou sans nous et ce serait bien d’avoir des élus si Mariani gagne», soutient Mariane Domeizel. Une autre militante l’assure : «Sur le terrain, les électeurs nous ont dit que si, cette fois-ci, on se retirait, ce serait la dernière fois qu’ils voteraient pour nous…» Un autre rapporte qu’Olivier Faure, le patron du PS, vient de dire sur TF1 que si l’extrême droite pouvait l’emporter en Paca, «alors il n’y aura pas de socialistes au second tour de cette élection régionale».

Jean-Laurent Félizia, arrivé vers 19 heures, était parti s’enfermer au fond de son local avec sa garde rapprochée. Renaud Muselier, puis Thierry Mariani, ont chacun pris la parole. Il a fini par prendre son tour. Devant le local, le secrétaire varois du PS, Thomas Roller, valide la stratégie. Et tant pis si Olivier Faure, le patron du parti, a l’air plus réticent. «On considère que le bloc Muselier, avec le report de voix annoncé par Jean-Marc Governatori, est en mesure de l’emporter, explique-t-il. Les sondages parlaient de dix points d’écart, aujourd’hui c’est plus la même. Avec tout le respect que j’ai pour les états-majors parisiens, les décisions du local sont plus près des préoccupations des citoyens.»

Chez Muselier : «On est plus qu’heureux !»

Près de la Joliette, en plein Euromed, le quartier d’affaire de Marseille, au QG de Muselier, on se pose moins de questions. «On nous plaçait derrière le RN avec dix points d’écart et là on se retrouve en ce début de soirée au coude à coude, on est plus qu’heureux !» se réjouit un jeune LR, chemise à fleurs. Au QG du candidat et actuel président de la Région Paca, les journalistes sont plus nombreux que les militants. Seule une poignée de jeunes LR masqués de noir, logo orange au double hashtag #Muselier2021 #NotreSantéd’abord met doucement l’ambiance et fait le tour des médias. Pour la plupart, c’est leur première élection. Sauf pour Cyrièle qui ne peut pas encore se rendre aux urnes mais qui, du haut de ses 17 ans, fustige le taux d’abstention de presque 70% en Paca : «C’est honteux», lance-t-elle. «Des hommes et des femmes se sont battus pour le droit de vote !» ajoute Tom. A 18 ans, costard beige, cheveux crantés, et tête de beau gosse, étudiant en école de commerce pour l’instant, il a tout d’un futur dauphin de la politique. Mais en attendant avec ses copains militants et pour la plupart encartés, ils tractent, ils collent et avant le second tour, ils comptent mettre les bouchées doubles.

A 20h30, pancartes orange et bleu à la main, avec «Notre Région d’abord» pour slogan, les jeunes se mettent à clamer en chœur «Muselier ! Muselier ! Muselier !», dès qu’ils entrevoient la voiture du candidat pointer son pare-chocs au loin. Lorsque le président de région entame son discours, Ils applaudissent avec force : «L’extrême droite veut nous diviser. Elle attise nos problèmes, nos difficultés du quotidien. Et jamais je ne la laisserai sacrifier notre région ! Nous allons rester fidèles à notre logique de rassemblement et j’appelle chacun ce soir à prendre ses responsabilités face à l’extrême droite.» Renaud Muselier semble plus serein que le matin lors de son vote où il a fait tomber, stressé ou mal réveillé, à deux reprises son bulletin et son enveloppe hors de l’isoloir. Nos jeunes sont un peu déçus, mais le candidat ne s’éternise pas au QG et repart sitôt son discours prononcé.

Quelques colistiers restent encore là, comme Alain Gargani, issu de la société civile et élu d’opposition à la mairie. Pour lui ce score au coude à coude avec le RN a été possible grâce à l’union avec les marcheurs et le Modem, «ça a été notre force !», se targue-t-il. David Galtier, général d’armée qui a battu le candidat frontiste Stéphane Ravier aux dernières municipales dans les quartiers Nord de la ville, costume gris et teint hâlé, discute volontiers. Pour lui, tout se joue maintenant : «On est dans une bonne dynamique et on a sept jours pour convaincre les électeurs de voter non plus contre le RN mais pour Renaud Muselier.» Pas de grosse bamboche en prévision, ni d’inquiétudes vis-à-vis d’un éventuel maintien de la gauche. Peu avant 22 heures, nos jeunes militants sont sur le départ. La semaine qui arrive s’annonce chargée.