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Libération
Législatives 2024

De Prisca Thévenot à Danielle Simonnet, les campagnes de tous bords perturbées par des violences

Deux candidats aux législatives, Olivier Véran et Prisca Thévenot, dénoncent ce jeudi 4 juillet des agressions envers leurs militants. Des violences qui ces derniers jours visent des équipes de campagne de tous les partis.
La a porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot a reçu le soutien du Premier ministre Gabriel Attal à Meudon, dans les Hauts-de-Seine, ce jeudi 4 juillet, après son agression et celle de membres de son équipe. (ANNE RENAUT/AFP)
publié le 4 juillet 2024 à 19h29
(mis à jour le 5 juillet 2024 à 12h03)

Une mâchoire fracturée, du gaz lacrymo aspergé… Depuis plusieurs jours, les récits d’agressions et de violences ciblant ou émanant de militants en pleine campagne pour les législatives semblent se multiplier. Et les plaintes pleuvoir. Vendredi matin, Gérald Darmanin a avancé le chiffre de «51 candidats, suppléants ou militants agressés physiquement durant la campagne». Libé répertorie les cas connus jusqu’ici, visant aussi bien des équipes de candidats de gauche, de droite que d’extrême droite.

Deux militants de Prisca Thévenot envoyés à l’hôpital de Meudon

Une collaboratrice blessée au bras et un militant à la mâchoire fracturée tous les deux transportés à l’hôpital. Mercredi soir, aux alentours de 20 heures à Meudon (Hauts-de-Seine), la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot et son équipe rapportent avoir été victimes d’une agression en pleine opération d’affichage. Après du Parisien, la candidate macroniste dans la 8e circonscription des Hauts-de-Seine raconte : «Nous avions décidé, avec ma suppléante Virginie Lanlo et deux militants, d’aller faire le tour de la ville pour rafraîchir les affiches sur les panneaux électoraux officiels». Sur la route, son équipe serait alors tombée sur un «petit groupe de jeunes», «peut-être une dizaine», en train de «dégrader des affiches». «On leur dit, sans aucune agressivité, que c’est interdit. Et ils s’en prennent immédiatement à l’un de mes militants, blessant au passage Virginie», poursuit Prisca Thévenot.

La porte-parole, qui n’a pas été blessée, a annoncé déposer plainte. De son côté, le parquet de Nanterre a indiqué avoir ouvert une enquête pour violences commises en réunion sur un élu public. Quatre personnes, dont trois mineurs, ont été placées en garde à vue. Du Premier ministre Gabriel Attal, qui s’est rendu sur place ce jeudi, au président du RN Jordan Bardella, l’affaire depuis suscite de nombreux témoignages de soutien. Auprès de l’AFP, l’entourage de la candidate du camp présidentiel a déjà annoncé qu’elle «continuera sa campagne sur le terrain comme prévu jusqu’à vendredi soir».

Un élu en faveur d’Olivier Véran frappé en Isère

Un septuagénaire frappé au visage. L’ancien ministre Olivier Véran, candidat dans l’Isère pour le camp présidentiel, a lui aussi dénoncé l’agression de l’un de ses militants ce jeudi. «Bernard [Dupré, ndlr] est adjoint au maire de La Tronche de 77 ans. Ce matin, alors qu’il collait mes affiches, un homme, les lui a arrachées avant de le frapper au visage. Une plainte a été déposée, un examen médical devra déterminer la durée d’ITT», retrace le neurologue de profession sur X (ex-Twitter) en relevant «un contexte totalement inédit de violence» dans sa circonscription. Dans le Dauphiné Libéré, Bernard Dupré rapporte avoir demandé à son agresseur s’il était du groupe LFI. «Il m’a répondu ‘oui’. Je ne sais pas si c’est un militant ou un sympathisant. Mais il m’a répondu ‘oui’…», révèle-t-il. Pour l’heure, le parquet de Grenoble a indiqué avoir ouvert une enquête pour vol avec violence. Des tracts électoraux auraient en effet été dérobés.

Les adversaires d’Olivier Véran, Hugo Prévost (LFI) et Alexandre Lacroix (LR-RN), ont tous deux condamné l’agression et apporté leur soutien à la victime dans des messages sur X. «La violence ambiante qui s’installe dans cette fin de campagne doit absolument cesser», s’est alarmé Hugo Prévost. La Fédération du parti socialiste de l’Isère a également condamné l’agression et appelé à «l’apaisement et à la confrontation sur le terrain des idées», déplorant un «contexte de violence désinhibée qui ne profitera qu’à l’extrême droite».

La RN Marie Dauchy agressée en Savoie, sa campagne suspendue

La candidate RN Marie Dauchy, dans la 3e circonscription de Savoie, a carrément suspendu sa campagne. Dans son cas, tout se serait passé sur un marché, mercredi 3 juillet. Prise à partie par un commerçant, entre Chambéry et Albertville, elle raconte dans sa plainte que l’homme «l’aurait menacée de mort à plusieurs reprises, l’aurait injuriée et aurait tenté de lui arracher par la violence les tracts qu’elle tenait dans sa main, manquant en raison de sa résistance de la faire chuter au sol à deux reprises». Ce dernier s’est spontanément présenté à la gendarmerie le même jour et a été placé en garde à vue pour menaces de mort réitérées, injures et violences contraventionnelles, selon le procureur de Chambéry, Pierre-Yves Michau, dans un communiqué. Toutefois, le mis en cause conteste la version de la candidate. S’il reconnaît les injures publiques et admet «avoir tapé dans les mains de la plaignante pour faire choir ses tracts au sol», il refuse les accusations de «menaces de mort réitérées».

Marie Dauchy, par ailleurs eurodéputée, a présenté un certificat médical faisant état de huit jours d’incapacité totale de travail (ITT) et sera examinée à nouveau dans un cadre médico-légal. «Je condamne cette violence à l’égard des élus comme je l’ai toujours fait», a réagi dans un communiqué son adversaire au second tour à venir dimanche, la députée sortante Emilie Bonnivard (LR), qualifiant ces comportements d’«inacceptables» de «reflets des tensions qui traversent notre pays».

Des partisans de Danielle Simonnet gazés à Paris

Des coups, des insultes, un pistolet à poivre et des gaz lacrymogènes. Dans le cas de la candidate de gauche Danielle Simonnet, l’affaire se serait déroulée mardi soir dans le XXe arrondissement de Paris où plusieurs de ses militants collaient des affiches. Sur X (ex-Twitter), l’insoumise dissidente rapporte : «Après avoir tenté de les empêcher de coller, un individu, bientôt rejoint par plusieurs autres, les a agressés avec un pistolet à poivre et des gaz lacrymogènes. Ils ont été frappés et insultés de ‘salopards d’antisémites’. Ils ont craint pour leur vie, au vu de la violence». Au passage d’une voiture de police, les agresseurs auraient pris la fuite.

Pour la députée sortante dans la 15e circonscription de Paris, il n’y a aucun doute : il s’agit d’une agression «de l’extrême droite». Dans un contexte de montée du RN, la candidate estime que cet accès de violence est symptomatique de la manifestation de «groupuscules fascistes» qui «se déchaînent dans tout le pays». Elle a annoncé vouloir porter plainte.

Pour Maryvonne Basteres (RN) en Gironde, la police a dû intervenir

Encore une agression sur un marché. Mercredi, un militant RN qui tractait en compagnie de la candidate de la 3e circonscription de Gironde, Maryvonne Basteres, aurait reçu plusieurs coups à Talence. D’après France Bleu, la candidate du parti d’extrême droite a évoqué une agression «gratuite». Elle raconte que l’homme, «quelqu’un de très violent», aurait surgi puis frappé le soutien avec lequel elle était en train d’échanger. Toujours «choquée» et n’excluant pas de porter plainte, elle précise que des passants ont dû intervenir ainsi que la police pour maîtriser l’individu. Ce dernier a été conduit au commissariat de Mérignac pour être entendu.

Des jets de projectiles contre Nicolas Conquer (LR-RN) dans la Manche

Des pierres auraient carrément été jetées au candidat LR-RN, Nicolas Conquer. Dans la 4e circonscription de la Manche, lundi 1er juillet au cours de la mi-temps du match de l’Euro France-Belgique à Cherbourg-en-Cotentin, le Républicain tractait avec des militants. «Quand, soudainement, un groupe d’une dizaine de jeunes, genre 25-30 ans, a bondi dans notre direction en nous jetant des pierres et différents objets trouvés sur la chaussée aux cris de ‘sales racistes’, ‘enculés’, raconte-t-il au Figaro. Il assure avoir reçu des projectiles sur l’épaule. Un mineur aurait également «été touché» dans la bousculade. Quatre agresseurs auraient été interpellés par la police, d’après le même journal. Le candidat lui a déposé plainte pour violence en réunion.

Sur X, le président des Républicains Eric Ciotti lui a témoigné son soutien : «L’Etat se doit de faire régner l’ordre et permettre le libre exercice démocratique. Ces délinquants doivent être lourdement sanctionnés», écrit cet artisan de l’alliance LR-RN. Mais auprès du Figaro, Nicolas Conquer s’est dit surpris de n’avoir pas reçu «le moindre témoignage républicain de sympathie».

Des militants NFP victimes d’homophobie en Loire-Atlantique

Pour les militants du candidat NFP Maxime Viancin dans la 10e circonscription de Loire-Atlantique, tout serait parti d’un porte-à-porte, mercredi. «Trois de nos camarades, deux femmes et un homme qui ont entre 20 et 30 ans, ont été reçus de manière exubérante par un habitant, rapporte-t-il auprès de l’Hebdo de Sèvre et Maine. Ils sont retournés sur la voie publique mais les deux habitants de la maison les ont suivis et l’homme a dit : ‘Vous allez voir quand Jordan Bardella sera là, on va s’occuper des gauchos, des gouines et des trans’. Pendant ce temps-là, sa femme brandissait un drapeau bleu-blanc-rouge». D’après lui, encore «sous le choc», ses partisans envisageraient de porter plainte.

Une plainte que sa rivale du RN est déjà sûre de déposer, rapporte le média local. Stéphanie Cotrel assure vouloir poursuivre son adversaire pour diffamation. Sur X, Maxime Viancin accuse en effet un «militant d’extrême droite» d’être à l’origine de l’agression. «‘Militant’signifie qu’il serait encarté et qu’il aurait donc des comptes à rendre au parti. Mais on n’en sait rien. S’il n’est que sympathisant, on ne peut pas être responsable de ses propos», tacle la candidate.

A Saint-Etienne, Hervé Breuil (RN) enfariné par un groupe masqué

La violence n’a pas attendu l’entre-deux-tours pour s’immiscer dans la campagne. A Saint-Etienne, une enquête pour violence en réunion a été ouverte le jeudi 20 juin, avant le premier tour donc. «Une bousculade, des insultes et des projections d’eau et de farine» ont eu lieu ce jour-là sur un marché, rapportait alors le parquet de la ville, annonçant l’ouverture d’une enquête. Auprès de l’AFP, le candidat RN de la 2e circonscription de la Loire, Hervé Breuil, 70 ans, assurait avoir été «agressé» par «un groupe d’individus masqués». Selon un militant qui l’accompagnait, les agresseurs présumés étaient «quatre […] habillés tout en noir» et auraient agi dans le cadre «d’une attaque coordonnée, précédée de repérages». Porteur d’un pacemaker, Hervé Breuil avait ensuite expliqué avoir été conduit aux urgences du CHU où il avait passé des examens.

Sans attendre, Marine Le Pen avait accusé des «milices d’ultragauche, soutiens du Nouveau Front populaire» des violences. Une accusation à laquelle avait répondu sur X Andrée Taurinya, la députée LFI sortante de cette circonscription, qui se représente sous la bannière du Nouveau Front populaire : «A La France Insoumise, nous bannissons la violence physique en politique. Jamais on ne s’en prendra à un candidat».

Dans le Val-de-Marne, des militants RN accusés d’avoir terrorisé des écoliers

Et parfois, ce sont les militants eux-mêmes qui sont accusés de violences. Dans un communiqué publié sur X (ex-Twitter), le maire PCF de Bonneuil-sur-Marne, Denis Öztorun, accuse des colleurs d’affiches du RN d’avoir «bousculé des enfants qui jouaient sur le parvis» d’une école puis «molesté et agressé verbalement deux mamans présentes qui réagissaient», jeudi 4 juillet. Choquées, ces dernières auraient dans un geste de colère décroché l’affiche des partisans. «La voiture du groupe d’individus a alors fait demi-tour», poursuit le maire. D’après lui, trois personnes en seraient sorties. Une avec matraque télescopique, deux pour filmer la scène. «Devant les enfants en pleurs, il se sont adressés aux mamans : ‘On va faire du nettoyage… De toute manière, tout ça c’est fini, c’est le FN qui passe…», rapporte l’élu. La candidate du parti d’extrême droite, Anne-Gaëlle Sabourin, aurait selon lui également été présente sur les lieux. Elle aurait menacé de faire perdre leur emploi à deux agentes de la ville et aurait signalé aux mères qu’elles seraient condamnées à une amende pour avoir retiré leur affiche. «Cela ne suffisait pas, les individus ont fait un nouveau passage en voiture devant l’école, cagoulés cette fois-ci», accuse le maire, qui précise que les deux mères porteront plainte ce vendredi.

Sollicitée par Le Parisien, Anne-Gaëlle Sabourin «conteste» de son côté ces accusations. Selon sa version des faits, il n’y a eu aucune bousculade d’enfants, aucune menace et aucune cagoule. Seule fait qu’elle reconnaît : avoir signalé qu’il était «interdit de décoller des affiches de panneaux électoraux, ça vaut une amende». Pour cela, d’ailleurs, elle assure qu’elle portera plainte. «Il faut que tout le monde respecte les règles. Tous nos panneaux sont saccagés. Nous avons été insultés et une de nos équipes a été agressée la semaine dernière», assure-t-elle. Le Parisien a demandé à consulter la vidéo filmée par ses colleurs. Pour l’heure, le journal n’a toujours rien reçu.

Dans l’Aisne, un candidat LR-RN coupable de racisme ?

Dans une plainte consultée par Le Parisien, un employé municipal de Saint-Quentin (Aisne) accuse le candidat LR-RN Philippe Torre d’une agression verbale raciste à son égard. Les faits se seraient déroulés sur le marché de la ville, mercredi. Dans sa version, le responsable de la gestion de l’espace public explique avoir été prévenu de l’affiche d’un tract RN sur le tableau de la halle du marché, en violation de l’article 11 du règlement général des marchés de Saint-Quentin selon lequel les activités politiques y sont interdites. Croisant Philippe Torre sur place, le plaignant aurait alors voulu lui signifier son infraction. «C’est très grave, il faut appeler la police nationale et il faut déposer plainte», se serait alors moqué le candidat. Invité à partir, le ton du Républicain serait alors monté : «Je suis sur ma terre, je suis dans mon pays, je suis Français monsieur». Puis, s’adressant à deux agents de la police municipale : «C’est qui celui-là qui veut me faire quitter ma terre et mon pays ?» Une allusion directe aux origines maghrébines de l’employé, estime ce dernier. Enfin, le fonctionnaire accuse le militant de l’avoir menacé : «Je sais que c’est Xavier Bertrand [ancien maire, dlr] et Madame Macarez [la maire LR de Saint-Quentin, ndlr] qui essayent de m’empêcher et je sais que quand je la sortirai dans 2 ans, je me souviendrai de vous», lui aurait-il lancé.

Une «pure affabulation», nie Philippe Torre auprès du Parisien. «Sur la vie» de ses trois enfants, il jure ne pas avoir tracté à ce moment-là. Si il confirme avoir dit qu’il était dans son pays, il accuse : «L’employé m’a admonesté, c’est tout juste s’il ne m’a pas dit : ‘on est chez nous !’». Il confirme lui avoir demandé s’il était Français et, face à sa réponse positive, assure lui avoir dit : «On a donc tous les deux le droit d’être ici !»

Mis à jour vendredi 5 juillet : des militants RN terrorisent des écoliers dans le Val-de-Marne et, dans l’Aisne, une plainte déposée contre un candidat LR-RN et Gérald Darmanin avance un chiffre d’agressions depuis le début de la campagne.