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Voter en juillet ? «Je ne suis qu’en semi-vacances»

Elections législatives 2024dossier
Le second tour des élections coïncide avec les premiers grands départs. Paroles de juillettistes aux congés chamboulés.
Pour la première fois, des législatives tombent pendant les congés d'été. (Amaury Cornu/Hans Lucas)
publié le 5 juillet 2024 à 18h25

Ce jeudi 4 juillet, Mikaël Meusnier s’est réveillé de bonne heure pour un vacancier. A quatre heures du matin plus précisément. Impossible de dormir plus longtemps : il a besoin de checker les réseaux sociaux pour suivre l’actualité politique. Puis ce secrétaire syndical CGT de Perpignan s’est rendu à la mairie du coin : «Pendant la distribution de bulletins municipaux, j’y ai glissé des tracts de la CGT appelant à voter pour le candidat du Nouveau Front populaire de la circonscription», explique le cheminot de 46 ans, parti quelques jours en vacances chez ses parents. Ou plutôt en «semi-vacances», comme il aime le dire, période électorale oblige.

«Avant de partir, il y a quelques jours, j’ai ramené environ 400 tracts. Je les ai distribués dans le train en allant chez mes parents. La journée, j’en mets dans les boîtes aux lettres et ce soir, je vais assister à un meeting politique à Tours. Il ne m’en reste qu’une dizaine.» Depuis son départ en congés, il n’a guère trouvé le temps de se reposer : «Quand je ne tracte pas, je discute avec ma famille mais là encore ça tourne toujours autour des législatives», explique celui qui assure qu’il décrochera «la semaine après les résultats».

Car, comme 3,3 millions de Français, ce père de deux filles a certes pris soin de faire sa procuration, mais il entend bien «tout donner jusqu’au bout du second tour». Et tant pis si ses vacances d’été sont «un petit peu chamboulées» : «Je ne suis pas 24 heures sur 24 sur mon téléphone mais pas loin…»

«Sortir de l’impuissance»

«Tout le monde ne réagit pas de la même manière face à des événements politiques car cela dépend de l’engagement de la personne : il y a soit des personnes qui vont réagir par de l’effondrement, de l’immobilisme et de l’impuissance parce que cette actualité génère trop d’angoisse chez elles, explique la psychologue clinicienne basé à Aix-en-Provence, Marianne Chimot. A l’inverse, il y a des personnes qui ont besoin de sortir de cette impuissance en agissant. Ces prises d’action permettent de compenser certaines émotions désagréables et de se sentir utiles.»

Certains vont même jusqu’à éprouver de la culpabilité d’être en vacances, comme l’explique la psychologue Carla Simondi : «Certaines personnes ne peuvent pas s’autoriser à ne rien faire. Elles se sentent coupables d’avoir pu profiter et se reposer. Pour certains, il est beaucoup plus rassurant d’être actif que d’être passif.» C’est le cas de Clara, 19 ans, qui, déjà loin de chez elle à l’annonce de la dissolution, n’a pas pu faire de procuration lors des deux tours des législatives. A plusieurs reprises, elle explique être «frustrée» face à une actualité qui ne lui plaît pas et qui se passe sous ses yeux sans qu’elle puisse rien faire. «Je me sens impuissante parce que je ne peux pas exercer mon droit de vote alors qu’il pourrait avoir une influence sur les résultats», explique cette étudiante en licence de géographie partie à la montagne avec d’autres camarades de la Sorbonne.

«Les résultats ont gâché la soirée»

Pour compenser ce sentiment, Clara tente elle aussi de rester active en se renseignant tous les jours sur les réseaux sociaux mais en restant «discrète» sur ses convictions politiques. L’étudiante se souvient de la soirée lors du premier tour des législatives : «Je mangeais avec mes amis. Nous étions ensemble mais nous avions tous les yeux rivés sur nos téléphones. Les résultats ont gâché la soirée, nous étions tous énervés mais il a fallu passer à autre chose car nous voulions profiter des vacances.»

Profiter des vacances, Clara «essaye» tant bien que mal en faisant des activités de groupe. C’est d’ailleurs ce que recommande Carla Simondi : «Partir avec d’autres personnes permet de partager l’angoisse. Cela aboutit à des discours animés et constructifs. A l’inverse, quelqu’un qui part seul va beaucoup plus être en prise avec cette actualité et cela peut nuire à ses vacances.»

«La politique est une question très intime et résonne beaucoup à l’intérieur de nous», conclut la psychologue, qui recommande aux vacanciers de «couper un peu les réseaux sociaux» et de «se rappeler qu’on ne porte pas toute la responsabilité sur soi».