Le second tour n’est pas encore passé que la question de l’après se pose déjà. Avec la mise en place laborieuse d’un «front républicain», la gauche, le camp présidentiel et une partie de la droite affichent le même objectif dans l’entre-deux-tours : éviter à tout prix une majorité absolue au RN dimanche 7 juillet. Après les désistements de plus de 200 candidats en ce sens, le chantier semble bien entamé. Mais soulève dès à présent une nouvelle interrogation : des LR jusqu’aux communistes en passant par la macronie, quelles alliances possibles entre groupes politiques pour gouverner ? Parmi les scénarios invoqués, l’idée d’une «coalition» fait son chemin dans les débats depuis quelques jours. Une possibilité aux contours flous, loin de faire l’unanimité au sein des différentes familles politiques.
Dans le camp présidentiel, une coalition sélecte
Lors d’un ultime Conseil des ministres avant l’élection, Emmanuel Macron a été clair ce mercredi 3 juillet : «On ne gouvernera pas avec LFI», a assené le Président à son gouvernement. Emmanuel Macron renvoie les deux extrêmes dos à dos : «De la même façon que nous disons que pas une voix ne doit aller au RN, il n’est pas question que LFI participe à un gouvernement», tranche-t-il. Dans les rangs macronistes, la position est partagée par Edouard Philippe. Favorable à une coalition ouverte, «de la droite conservatrice aux sociaux-démocrates», le chef de file d’Horizons refuse toutefois d’inclure les communistes et les insoumis. «Il ne peut pas, de mon point de vue, y avoir une discussion sur une coalition avec LFI», a affirmé le maire du Havre sur TF1.
Yaël Braun-Pivet elle aussi milite en faveur d’un gouvernement ouvert à d’autres familles politiques. Avec une position un peu plus inclusive toutefois puisqu’elle admet, dans ce cercle, les communistes. Sur BFM TV lundi, la présidente sortante de l’Assemblée nationale a insisté : «Depuis des mois, depuis des années, je plaide pour cette coalition républicaine des forces progressistes, donc sur des bases de valeurs.»
Du côté du Modem, François Bayrou a assuré mardi sur France Info qu’un gouvernement transpartisan est «envisageable». La raison : «Beaucoup de ceux qui hier étaient de manière acharnée dans l’opposition réfléchissent», se félicite le président du parti centriste. L’occasion pour lui d’appeler les «républicains» et les «démocrates» à travailler ensemble si le RN ne parvient pas à obtenir la majorité absolue. D’après lui, «le président de la République a fait publiquement et de manière discrète pendant les deux années précédentes des offres d’ouverture de la majorité, du gouvernement», mais «elles ont été toutes refusées». Si coalition avec la gauche il y a, le maire de Pau assure toutefois qu’elle ne devra pas empêcher certaines réformes controversées d’être passées. Comme celle de l’assurance chômage, pour l’heure suspendue par Gabriel Attal.
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Gabriel Attal, lui, rechigne à utiliser le terme de «coalition». «Je n’ai pas parlé de coalition. Je ne vais pas imposer aux Français une coalition qu’ils n’ont pas choisie», a-t-il expliqué ce mercredi sur France Inter. Le Premier ministre préfère davantage l’expression «d’Assemblée nationale plurielle». Ce qu’il entend par là : un hémicycle dans lequel «plusieurs groupes politiques de droite, de gauche et du centre qui, projet par projet, travaillent ensemble au service des Français», éclaire-t-il sur TF1. Qui ? Comment ? Sur quels sujets ? Dans le détail, l’ancien ministre de l’Education nationale élude. Et reconnaît qu’il faudra «probablement» trouver «une gouvernance et une manière de fonctionner nouvelles». Une seule certitude, martelée à l’instar d’Emmanuel Macron : «Il n’y aura jamais d’alliance avec La France insoumise.»
La gauche en ordre dispersé
A gauche, plusieurs lignes se dégagent. Sur Télématin ce mercredi, l’écologiste Sandrine Rousseau a pour sa part rejeté toute alliance avec les macronistes : «Dévier et encore aller vers une politique libérale, qui ne respecte pas ce que nous avons posé dans le débat politique, c’est d’une certaine manière trahir la parole des électeurs.» Pour la députée de Paris, une coalition n’a donc «pas de sens». Même inflexibilité chez le LFI Manuel Bompard. «Je suis dans une campagne où l’objectif, c’est d’avoir une majorité pour pouvoir gouverner avec un gouvernement du Nouveau Front populaire dimanche», a assuré mardi sur BFM TV le coordinateur national de La France insoumise. Qui en profite pour tacler : «Je ne vais pas participer à quelque gouvernement que ce soit qui ne rétablit pas de la justice fiscale, qui ne met pas en œuvre une politique de répartition des richesses autre que celle qui a été mise en place par Gabriel Attal et par Emmanuel Macron lui-même.»
🔴🗣️ Contrairement à Marine Tondelier, Sandrine Rousseau refuserait de rejoindre une coalition composée de macronistes, socialistes et de certains LR en cas de majorité relative : "Nous ferions une erreur". #Les4V @sandrousseau pic.twitter.com/svMqPFCR8y
— Telematin (@telematin) July 3, 2024
François Ruffin, lui, se montre conciliant sur le sujet. «Il y a eu des grands moments dans notre histoire qui se sont faits avec cette coalition, notamment on peut penser […] à la Libération, où des communistes aux gaullistes il y avait un gouvernement commun», souligne le député, interviewé sur RMC.
La patronne des écolos, Marine Tondelier, n’a pas non plus totalement fermé la porte. Interrogée mardi dans Libération sur la possibilité de travailler avec des macronistes, elle a répondu : «Travailler, ça veut tout dire et rien dire. Il n’y aura pas de bonne solution. On trouvera la moins mauvaise et la meilleure pour la France. Mais oui, on doit se montrer prêts à gouverner.» Au 20 Heures de TF1 mardi soir, toutefois, elle a prévenu que «la politique dans ce pays ne pourra pas continuer comme avant.» «Il n’y aura pas de Premier ministre macroniste, le premier tour l’a tranché. Il faudra que certains, au centre, à droite, nous disent comment ils souhaitent travailler dans notre sens», s’est-elle projetée.
La droite plutôt partante
Lundi sur TF1, Xavier Bertrand a de son côté exigé un «gouvernement de sursaut républicain» pour sortir la France «de l’impasse dans laquelle Monsieur Macron l’a plongée». «La seule chose qui est possible, c’est de comprendre qu’il y a d’autres alternatives qu’une majorité avec un gouvernement RN ou une coalition d’arrière-boutique», martèle le président LR du conseil régional des Hauts-de-France. Comme François Ruffin, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy se montre aussi favorable à «un gouvernement provisoire de la République, comme ça existait à une époque, quand il a fallu reconstruire».
A droite, à gauche et dans le camp présidentiel, une inconnue unit pour l’heure les figures favorables à une coalition : celle du choix du Premier ministre pour la diriger.