Plus de 5 millions de voix supplémentaires entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle. Près de 3 millions de plus qu’au même stade en 2017 : Marine Le Pen a, certes, échoué pour la troisième fois dans une élection présidentielle (41,5%), mais la candidate du Rassemblement national a gravi une marche le 24 avril. Des vignobles du Médoc à l’ancien bassin minier de Decazeville, du Gâtinais rural à l’ouvrière vallée de la Bresle, les électeurs de Le Pen que Libération a rencontrés témoignent de l’enracinement de ce vote d’extrême droite, mélange de contestation antisystème, de ras-le-bol fiscal, de sentiments de relégation spatiale, sociale et de peur de l’altérité.
En Gironde, «je voulais surtout que ça change»
«Ah le voilà, l’autre, encore !» Didier, 65 ans, grimace, agacé et amusé. Vissé sur sa chaise en bois dans un coin du bistrot, une bière à la main, le retraité vient de tomber sur une photo d’Emmanuel Macron tout sourire dans le canard local. «Vous savez, en 2017, et même avant, je votais à droite. Mais cette année, j’ai voté encore plus à droite. Dès le premier tour», annonce-t-il en remontant ses lunettes de vue sur le nez et sa paire de lunettes de soleil sur le front. «Avec 1 150 euros par mois, j’en ai marre de me serrer la vis, à chaque fois il me reste que des cacahuètes», peste-t-il.