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Libération
Rapport

Elections européennes : une couverture médiatique en nette baisse

Elections européennes 2024 dossier
Une étude de la Fondation Jean-Jaurès, dont «Libération» dévoile les résultats en exclusivité, révèle une médiatisation du scrutin en repli par rapport aux élections précédentes, avec des têtes de liste en grande majorité invisibles hors périodes électorales.
Meeting de Raphaël Glucksmann à Strasbourg le 24 avril. (Pascal Bastien/Libération)
publié le 23 mai 2024 à 7h16

«La campagne européenne n’existe pas en France», écrit, lapidaire, la Fondation Jean-Jaurès en conclusion de son étude sur la médiatisation des élections européennes, dont Libé dévoile les résultats en exclusivité ce jeudi 23 mai. Selon le rapport rédigé par Théo Verdier, codirecteur de l’observatoire Europe du think tank, l’analyse de la couverture médiatique du scrutin révèle même qu’il s’agirait surtout d’une «campagne franco-française», «une forme de seconde élection législative dont le thème serait les questions européennes». Pour parvenir à ces conclusions, la Fondation s’appuie sur plusieurs constats issus de son étude.

Premièrement, le repli important de la médiatisation des européennes, avec une baisse de 23% (sur la période étudiée, du 1er avril au 3 mai) des sujets à la télévision et à la radios et d’articles sur le scrutin par rapport à 2019. Alors même que cette couverture était globalement croissante à chaque élection depuis 2004. Ensuite, c’est l’invisibilité, entre deux campagnes, des actuelles têtes de liste françaises, qui est soulignée par la Fondation. Signe d’un désintérêt médiatique chronique pour les enjeux européens ? Enfin, le think tank pointe également la concentration de l’attention médiatique vers les protagonistes français de la campagne, au détriment des candidats européens des partis présents au Parlement.

Une médiatisation qui s’annonce moindre qu’en 2019

Les élections européennes de 2024 ? Un événement télévisuel et médiatique de second rang, à ranger entre le décès d’Elizabeth II et la COP28. C’est ce que conclut la Fondation Jean-Jaurès en analysant le nombre de sujets diffusés dans les journaux radio et télé ou le nombre d’articles de presse consacrés à la campagne entre le 1er avril et le 3 mai. 23% de sujets audiovisuels et d’articles en moins qu’en 2019 (3 647 en 2024, contre 4 715 il y a cinq ans), et 30% d’unités de bruit médiatique (un indicateur de mesure de l’impact médiatique qui prend notamment en compte la durée et l’audience des sujets) en moins également. Même si la précédente campagne faisait figure d’exception, indique la Fondation, à cause de la redéfinition de son mode d’élection (par listes nationales et non plus par circonscriptions régionales).

Pourtant, la médiatisation des européennes allait globalement crescendo depuis 2004. Parmi les bons élèves historiques : le service public, avec Arte surtout, les chaînes internationales France 24 et RFI, et, dans une moindre mesure, France 2, qui consacraient le plus de temps d’antenne au scrutin en 2019. Les chaînes privées, elles, sont toujours à la traîne. D’autant plus qu’aucune de ces télés ou radios privées n’avait de correspondants accrédités auprès des institutions européennes en 2023, note le think tank.

Une élection de méconnus

Avant sa nomination comme tête de liste Renaissance, Valérie Hayer n’avait vu son nom mentionné qu’une seule petite fois dans les principaux journaux télé ou radio des chaînes privées entre 2019 et 2023 – c’était au journal de 8 heures d’Europe 1 en 2020. Plus globalement, seuls les représentants d’extrême droite Jordan Bardella (Rassemblement national) et Marion Maréchal (Reconquête) ont eu droit à une certaine visibilité médiatique dans les journaux étudiés (ceux de TF1, M6, Europe 1, RTL et RMC) entre les deux élections européennes. Notamment à cause de leurs responsabilités dans leurs partis respectifs. Mais la Fondation Jean-Jaurès note a contrario que Raphaël Glucksmann (Parti socialiste) ou François-Xavier Bellamy (Les Républicains), qui ont eu droit à une certaine visibilité médiatique lors de la campagne de 2019, sont devenus invisibles les années d’après sur les grandes chaînes privées.

Pour ce qui est de la campagne 2024, le think tank relève une médiatisation des têtes de liste assez logique : elle correspond à leur place dans les sondages, avec un trio dominant composé de Jordan Bardella, Raphaël Glucksmann et Valérie Hayer. Si ce n’est la présence de deux protagonistes incontournables dans cette campagne : Emmanuel Macron et Gabriel Attal. Le président de la République est ainsi la deuxième personnalité la plus citée de la période (derrière Jordan Bardella) sur le sujet des européennes, notamment à cause de son discours sur l’Europe à la Sorbonne le 25 avril.

Une campagne franco centrée

Seuls 54% des Français connaissent la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. C’est l’enseignement d’une étude menée par la fondation Bertelsmann, qui place la France comme le pays où la notoriété d’Ursula von der Leyen est la plus basse, parmi les sept testés. La présidente de la Commission européenne et membre du groupe du Parti populaire européen est pourtant la seule candidate (ou porte-parole) des principales forces politiques européennes à avoir été mentionnée quelques fois dans les médias français (à 24 reprises) sur la période du 1er avril au 3 mai.

Un symptôme de la mauvaise information sur le scrutin ? C’est ce qu’estime le rapport : «Si la campagne demeure vivace dans notre paysage médiatique, elle est centrée sur les personnalités nationales, voire les forces partisanes, bien plus que sur les équilibres politiques qui présideront effectivement aux destinées de l’Union.»

Ukraine, immigration, environnement… Les thèmes de la campagne

Quatre enjeux de ces européennes concentrent 20% du bruit médiatique total de la campagne. Ce sont les questions de pouvoir d’achat, d’environnement, d’immigration et d’asile, et de la guerre en Ukraine. Ce dernier étant le sujet le plus médiatisé durant la période étudiée par la Fondation Jean-Jaurès. Surtout, celle-ci observe une forme d’inégalité dans la façon dont les différents candidats sont liés aux différents dossiers, les médias favorisant les sujets les plus évidents pour chaque tête de liste. Ainsi, Marie Toussaint (Les Ecologistes) est, de loin, la personnalité la plus mentionnée à propos de problématiques environnementales, mais la moins audible sur les sujets d’immigration et d’asile. Pour Jordan Bardella, c’est quasiment l’inverse, dans les mêmes proportions.

Quels événements ont fait le plus de bruit pendant la campagne, du 1er avril au 3 mai ? C’est, de loin, le discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron qui a connu le plus de répercussions médiatiques. Derrière, on retrouve le 1er mai et l’expulsion de Raphaël Glucksmann d’un cortège de manifestants, ou les annonces de ralliement à des listes, comme celles de la militante propalestinienne Rima Hassan à la France insoumise et du commissaire de police Matthieu Valet au Rassemblement national.