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En Bretagne, la guerre de succession des héritiers de Le Drian

Rassemblée derrière le ministre en 2015, qui a depuis rejoint Emmanuel Macron, la majorité bretonne affronte le scrutin du 20 juin divisée. D’un côté, le socialiste Loïg Chesnais-Girard, de l’autre Thierry Burlot et sa liste d’union LREM-Modem-UDI.
Jean-Yves Le Drian, alors tête de liste PS en région Bretagne, à Guidel, le 6 décembre 2015, lors de la soirée électorale du premier tour des élections régionales. (Denis Bourges /Libération)
publié le 10 mai 2021 à 7h44

L’atypique attelage breton, qui continuait d’associer socialistes et marcheurs, a fini par éclater. La majorité rassemblée par Jean-Yves Le Drian pour les régionales de 2015, déjà fragilisée depuis son ralliement à Macron en 2017, est désormais scindée en deux groupes. Elle avait tenu tant bien que mal, soudée par sa fidélité au «menhir», leader incontesté de la scène politique régionale depuis 2004, mais deux de ses fidèles se disputeront la tête de la Bretagne les 20 et 27 juin : le président sortant, Loïg Chesnais-Girard, sous bannière socialiste, et son vice-président à l’environnement, Thierry Burlot, sous étiquette LREM-Modem-UDI. Un divorce«à des choix de tactiques nationales, pilotés par Paris et guidés par 2022», dénonce le premier.

Sur le fond, les deux hommes se différencient pourtant peu. «Ce sont deux listes centristes, l’une un peu plus à gauche, l’autre un peu plus à droite», souligne le politologue Romain Pasquier. Ils affichent notamment des positions similaires sur la question du modèle agricole, refusant de stigmatiser l’agriculture conventionnelle mais reconnaissant la nécessité de protéger davantage l’environnement. La fracture porte plutôt «sur la question de l’alliance avec les écolos», souligne Pasquier. Après les succès des listes d’union de la gauche aux municipales (à Rennes, Saint-Brieuc…), «Loïg Chesnais-Girard a pensé que le scrutin régional allait se passer de la même façon, mais ça ne marchera pas en Bretagne», estime Burlot, jugeant le discours d’EE-LV trop clivant pour cette terre d’élevage. Il pointe un inévitable rapprochement au second tour entre son adversaire et les Verts. «Fantasmes», rétorque Chesnais-Girard.

Selon un sondage d’Odoxa pour le Télégramme, paru vendredi (1), Burlot arriverait en tête des intentions de vote (18 %), Chesnais-Girard pointerait à la troisième place (14 %), à égalité avec la liste RN. Mais cinq listes, voire six, semblent en mesure de se qualifier au second tour, toutes séparées de quelques points. D’où la question des alliances. «Il y aura une décision à prendre, en fonction des choix qu’auront faits les Bretons, pas les états-majors de Paris. Pleins de solutions peuvent exister», lâche Chesnais-Girard.

Reste à savoir lequel des deux sera adoubé par Le Drian, auquel les deux adversaires doivent leur carrière. C’est lui qui est allé chercher Burlot, alors élu local dans les Côtes-d’Armor, pour l’intégrer dans son équipe en 2004. Lui aussi qui a permis l’ascension de Chesnais-Girard, jeune maire de la petite ville de Liffré, près de Rennes, devenu conseiller régional en 2010, premier vice-président en 2015, puis président en 2017. «Je ne suis pas dans une course à l’héritage», balaye le dauphin, qui souligne toute l’«amitié», la «fidélité», le «respect profond» qu’il porte à son mentor. «On s’appelle très régulièrement», répète Burlot de son côté.

Le Drian tarde, lui, à se positionner. Ce week-end, il a publié une série de propositions via son think tank Breizh Lab. Burlot a aussitôt fait savoir qu’il allait en «reprendre un grand nombre».

(1) Réalisé en ligne du 21 au 25 avril auprès d’un échantillon représentatif de 1 020 habitants de la région Bretagne âgés de 18 ans et plus.