En résumé :
- Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse, aux Docks d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ce jeudi. Environ 200 journalistes étaient accrédités, pour un événement qui a duré plus de quatre heures.
- Le président-candidat a confirmé plusieurs propositions déjà évoquées, comme la retraite à 65 ans, le lien entre RSA et activité, ainsi que la fin de la redevance. Au rayon des nouveautés : le versement des aides sociales «à la source», la transformation de Pôle Emploi en «France Travail», le durcissement des conditions d’immigration, l’allégement des droits de succession ou encore «le grand chantier de l’école».
- Le premier tour du scrutin a lieu dans vingt-quatre jours, le 10 avril. Retrouvez le dossier concocté par Libération sur l’élection présidentielle.
La une de Libé de ce vendredi. Retrouvez le journal dès 22 heures sur notre site en version numérique et dans les kiosques dès l’aube.
Sur les chiffres de la délinquance, Macron reprend la lecture biaisée de Darmanin. Après quatre heures de seul en scène, Emmanuel Macron tente de «regarder les chiffres» de la délinquance. Et annonce avoir «baissé les chiffres sur les vols, violences, les biens.» Le propos n’est pas clair, mais n’est pas sans rappeler celui de son ministre de l’Intérieur, qui affirme depuis plusieurs semaines que «les vols avec arme, les vols violents sans arme, les cambriolages, les vols de véhicules baissent fortement.» C’est vrai, mais c’est surtout le fait des confinements, pendant lesquels la plupart des atteintes aux biens ont diminué. A l’inverse, Emmanuel Macron est persuadé que la «présence sur le terrain» des forces de l’ordre, qu’il veut doubler, permettra de diminuer ces indicateurs. Scientifiquement, il n’existe pas de preuve que plus de policiers dans les rues fassent baisser la délinquance.
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Macron opposé à la légalisation du cannabis. A la fin des questions réponses avec les journalistes, Emmanuel Macron a confirmé sans surprise son opposition à toute légalisation encadrée du cannabis. Une mesure ayant prouvé son efficacité sanitaire et sécuritaire dans de nombreux pays et Etats américains, prônée par le mouvement des jeunes avec Macron, mais guère prisée par l’électorat conservateur que le président sortant caresse dans le sens du poil.
Macron annonce ne pas vouloir légaliser le cannabis si il est réélu.
— Zeweed (@Zeweed3) March 17, 2022
Pour Mélenchon «une politique datée des années folles du libéralisme». Le candidat des Insoumis à la présidentielle n’a pas été convaincu par le programme du candidat Macron. «C‘est la maltraitance sociale généralisée. Et la destruction des services publics fondamentaux. Une politique datée des années folles du libéralisme,» a fustigé sur son compte twitter le candidat de gauche qui crédité de 12 % est le mieux placé dans les sondages dans son camp. «Macron a parlé pendant 4 h 10. Mais il n’a pas battu Chavez, 5 heures Je pense que c’est ringard» a par ailleurs trollé le candidat Insoumis, grand admirateur de la révolution bolivarienne malgré ses dérives autocratiques et antidémocratiques.
Macron a parlé pendant 4h10. Mais il n'a pas battu Chavez, 5h. Je pense que c'est ringard. 😏#ProjetMacron
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) March 17, 2022
Le patron de la CGT critique la proposition réforme des retraites. Invité sur RTL ce jeudi soir pour réagir aux annonces programmatiques d’Emmanuel Macron, Philippe Martinez n’est pas tendre : «Ça choque toutes les organisations syndicales […] Pour permettre de faire travailler tout le monde, il faudrait que ceux qui ont du boulot travaillent plus longtemps. C’est absurde comme raisonnement». Quant aux contreparties proposées par le président-candidat, le secrétaire général de la CGT questionne : «peut-on vivre décemment avec 1 500 euros par mois ?»
Vraiment fini la retraite à 60 ans : Macron vient donc de confirmer que les carrières longues pourront partir, avec sa réforme, à 62 ans. Il promet de ne pas en passer par ordonnances. @libe
— Lilian Alemagna (@lilianalemagna) March 17, 2022
Les droits de succession allégés. Afin de «permettre de transmettre les fruits de son travail à ses enfants et petits-enfants», notamment «pour les classes moyennes», Emmanuel Macron annonce vouloir augmenter l’abattement en ligne directe soit d’un parent vers son enfant de 100 000 à 150 000 euros. Il propose aussi de revoir l’abattement en ligne indirecte. Mais le président-candidat se défend de vouloir «protéger les rentiers», en citant plutôt l’exemple de bénéficiaires comme d’un «couple qui a deux enfants et une maison qui vaut 200 000 ou 300 000 euros».
Le tir groupé des écologistes. Les oppositions n’ont donc pas attendu la fin de la longue présentation programmatique d’Emmanuel Macron pour dire tout le mal qu’ils en pensent. Après les Républicains qui ont crié au plagiat, les écolos n’ont évidemment pas non plus manqué de réagir. Dans un communiqué au vitriol, la porte-parole du candidat Yannick Jadot Delphine Batho tance «une absence quasi-totale de l’écologie» et «une nouvelle potion de rigueur sociale». «Tout change mais Emmanuel Macron ne bouge pas» résume-t-elle sur les réseaux sociaux. Dans un tweet, la numéro 2 de EE-LV Sandra Regol s’émeut elle de la phrase du président du l’IVG : («C’est un choix que je défends mais qui est un choix difficile»). «Les mots me manquent pour qualifier cette hallucinante prise de position contre nos droits…», cingle Regol.
#Macron toujours dans la mesure et l'humilité :
— Julien Bayou (@julienbayou) March 17, 2022
“Ce que j’ai fait n’a jamais existé dans l’histoire politique contemporaine.”
Trump disait à peu près pareil.
Après le «en même temps», voici le «pourquoi pas» pour calmer les Corses. Pour la première fois depuis l’agression d’Yvan Colonna qui a remis le feu à la Corse, le chef de l’Etat s’est exprimé lors de cette conférence de presse sur les heurts sur l’île de Beauté. Il s’est redit «solennellement […] favorable à ce que la Corse soit mentionnée dans la Constitution». «Le débat sur l’inscription de la Corse dans la Constitution, la question des compétences et éventuellement de l’autonomie n’est pas un débat tabou, a insisté Macron. Simplement, c’est un débat qui ne peut se tenir tant qu’il n’y a pas le calme absolu.» Pour le chef de l’Etat, «il faut maintenant qu’il y ait un processus de travail qui s’enclenche […] de manière apaisée, en bon ordre […] et qui permettra de reconnaître les spécificités de la Corse historique.»
Les cabinets de conseils privés pas en odeur de sainteté. Interrogé sur le rapport de sénateurs dénonçant ce jeudi le recours grandissant du gouvernement aux cabinets de conseils, Emmanuel Macron a salué un «un travail utile et important». Selon le chef de l’Etat sortant, «il est légitime pour les ministères d’avoir fait appel à des cabinets privés mais il faut que ça soit fait de manière transparente et contrôlable […] Je pense qu’il est de bonne politique, quand on a des compétences en interne, de ne pas avoir des recours en externe, argumente-t-il. Il faut que les règles soient transparentes, il faut que ce soit un apport incontestable pour l’Etat et il faut à chaque fois que ce soit contrôlé […] Ce n’est pas une fatalité d’augmenter» leur utilisation, a conclu le président-candidat.
Après le climat, les Français (non) écoutés sur la fin de vie ? «Je pense que c’est un bon sujet pour une convention citoyenne», considère Emmanuel Macron. «Sur la base des conclusions de celle-ci, je soumettrai à la représentation nationale ou au peuple le choix d’aller au bout du chemin qui sera préconisé. C’est ce qui permettra à des citoyens éclairés par les travaux du Comité consultatif national d’éthique», promet-il. Petit rappel : seules 10 % des propositions de la convention citoyenne pour le climat ont été gardées par le gouvernement.
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Le #RSA n’est pas un programme de reéducation de personnes fainéantes mais un droit social, conquis pour lutter contre la très grande pauvreté.
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) March 17, 2022
C’est un acte de solidarité et de protection important de notre Etat-social. Il devrait être augmenté sans contrepartie.#Macron
Le boulet Dupont-Moretti. Après le (long) monologue, les questions des journalistes. Interrogé sur le paradoxe entre sa promesse de nouvelle pratique du pouvoir et le maintien au gouvernement du ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, malgré sa mise en examen pour prise illégale d’intérêt, Emmanuel Macron a tenté de s’expliquer. Pour le président de la République, la jurisprudence Bérégovoy-Balladur, qui veut que tout ministre mis en examen soit débarqué du gouvernement «valait à un temps où il avait des décisions individuelles et des instructions individuelles et sur des dossiers». «Pour le Garde des Sceaux, la décision est particulière, poursuit-il. Quand des syndicats de magistrats lancent une procédure contre un Garde des Sceaux et le font dans une instance où ils siègent eux-mêmes, je considère que je ne rendrais pas service à la démocratie en cédant à ce que je ne considère pas comme un fonctionnement satisfaisant […] Je n’aurais pas servi la démocratie en répondant de manière automatique à la mise en examen du Garde des Sceaux», estime le président sortant.
Le podcast de Libé met le pouvoir d’achat au programme. La question de l’inflation, notamment sur le carburant, occupe une place de plus en plus importante dans la campagne. Comment les candidats comptent-ils y répondre ? Réponse dans Libélysée.
La santé, autre grande priorité. Dans cet énorme chantier cruellement mis en lumière par plus de deux ans de crise du Covid-19, «nous devons réussir à aller beaucoup plus loin, plus vite et plus fort», notamment en renforçant «la politique de prévention», «la simplification de l’hôpital et de sa gouvernance» et l’amélioration de «l’accès aux soins en urgence».
Un peu plus tôt dans la journée, lors du grand oral organisé par la Fédération hospitalière de France, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé l’organisation d’«une grande conférence» sur le système de santé si Emmanuel Macron était réélu en avril. Libération était au théâtre 13e Art à Paris pour y assister.
Le sortant veut remettre le couvert pour la proportionnelle. En 2017, le candidat Emmanuel Macron promettait d’«instiller une dose de proportionnelle» dès la première année de son mandat. Mais cinq ans plus tard, malgré le forcing du MoDem, rien n’a bougé sur ce sujet. Il n’y a toujours pas de proportionnelle à l’horizon. Pourtant, le président l’assure, il «continue d’être favorable à plus de proportionnalité» et pense toujours qu’il faut «rénover nos institutions qui en ont besoin». Alors après avoir échoué «parce qu’il n’y a pas eu d’accord politique», Emmanuel Macron promet, en cas de réélection, de lancer une commission transpartisane pour travailler sur la prochaine réforme.
"Je lancerai une commission transpartisane pour rénover nos institutions", promet Macron. Ce qui rappelle beaucoup la commission Balladur de 2007 et la commission Jospin-Bachelot de 2012.
— JeanBaptiste Daoulas (@jbdaoulas) March 17, 2022
Le grand retour de l’Etat dans les territoires ? Le président a annoncé sa volonté de tirer la leçon des gilets jaunes en poursuivant «la déconcentration des services de l’Etat», appelés à quitter Paris pour la province. Il a annoncé aussi son intention de «rouvrir des sous-préfectures». En outre, Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de «continuer à aménager notre pays par des projets», mais «en territorialisant» l’action publique, c’est-à-dire en accompagnant les maires plutôt qu’en leur imposant des solutions venues d’en haut. Grâce aux programmes «Action cœur de ville», pour revivifier les centres des villes moyennes, ou «Petites villes de demain», «on a créé des places, rouvert des écoles, des commerces, des cafés», a-t-il fait valoir.
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Une simplification des mandats en région. Il avait été tué par François Hollande avant même d’exister, Emmanuel Macron ressort des cartons le «conseiller territorial». S’il est réélu, il n’y aura plus qu’un seul élu qui remplira à la fois les missions de conseiller départemental et celles du conseiller régional. C’était une innovation voulue par Nicolas Sarkozy en 2008 mais qui n’avait jamais été mise en œuvre puisque la gauche avait rétabli les deux fonctions lors de sa propre réforme territoriale. Le chef de l’Etat a également réaffirmé sa volonté d’un «droit à la différenciation» qui pourrait permettre, d’une collectivité à l’autre, d’avoir des compétences différentes.
Macron présente la douloureuse. Le président-candidat a évalué le coût de son programme pour la présidentielle à 50 milliards d’euros par an, auxquels s’ajouteront 15 milliards par an de baisses d’impôts, pour moitié bénéficiant aux ménages, pour moitié aux entreprises. Ces dépenses, en particulier pour l’éducation, la santé et l’autonomie, seront financées notamment par des économies par la réforme des retraites, avec le report de l’âge de départ, et sur les allocations-chômage, a-t-il estimé.
Le vieillissement à domicile facilité. Après MaPrimeRénov’, MaPrimeAdapt’, le candidat Macron propose d’aider les citoyens vieillissant à adapter leur logement à leur perte d’autonomie, via une aide financière. «C’est beaucoup plus intelligent que d’aller payer un établissement, qui est beaucoup plus lourd et coûteux», a-t-il défendu. Afin de permettre aux personnes âgées de rester plus longtemps chez elles et aux aides à domicile de mieux gagner leur vie, il a par ailleurs évoqué «deux heures de plus par semaine d’accompagnement». «S’occuper d’une personne qui est dépendante, c’est vrai qu’on ne le fait pas en une demi-heure par jour, a-t-il admis. Ça permettra de passer à au moins 45 minutes par jour. C’est beaucoup plus humain, responsable et juste». Enfin, 50 000 infirmiers et aides-soignants seront recrutés dans les Ehpad et les contrôles y seront renforcés.