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Libération
L'œil du chercheur

En votant, le «peuple souverain» peut mettre à genoux ou à terre des destins politiques

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Election Présidentielle 2022dossier
Soulignant la dimension anthropologique du vote – un «fait social total» –, le politologue, chercheur au CNRS, met en garde contre la prise de distance croissante des Français, notamment les plus jeunes, à l’égard de cet acte civique.
Pour Bruno Cautrès, le vrai rôle d’une campagne électorale est d'activer ou réactiver les appartenances idéologiques et partisanes. (Thibault Camus/AP)
par Bruno Cautrès, Chercheur au CNRS, au Cevipof et enseignant à Sciences Po
publié le 7 avril 2022 à 10h57

La sociologie politique voit dans le vote un acte à très forte portée symbolique et même anthropologique. Voter c’est bien plus que voter, c’est bien plus qu’exprimer des convictions ou choisir un gouvernement. Voter c’est même bien davantage que manifester son attachement aux valeurs civiques. Le vote est un «fait social total» qui exprime au plus profond les règles et les codes culturels d’une société, les répertoires de signes et de symboles dont nous faisons usage sans en avoir conscience lors de la grande cérémonie qui débute à l’ouverture des bureaux de vote. Durant cette journée, le «peuple souverain» reprend le contrôle et le manche, il peut mettre à genoux ou à terre des destins politiques, faire d’un candidat ou d’une candidate le «roi» ou la «reine». La puissance des bulletins de vote, ce torrent de souveraineté qui coule des urnes le soir du dépouillement, ne cesse de nous fasciner. Ce petit rectangle de papier au format fixé par le code électoral (105 x 148 mm, d’un grammage de 60 à 80 g/m²), contient tant de dimensions symboliques que les spécialistes du vote parlent d’un «acte de vote» comme on parle d’un «acte de magie».

Oppositions binaires

C’est Frédéric Bon, un maître des études électorales décédé il y a presque trente-cinq ans, qui avait rapproché le vote de la pensée mythique. Dans c