Championnes de l’abstention, les européennes ? Assez valide sur le long terme, l’appréciation doit être révisée à la lumière des dernières années. Avec une participation de 50,1 %, l’édition 2019 avait mobilisé plus d’un électeur sur deux pour la première fois depuis celle de 1994, et la deuxième depuis 1984. Par comparaison, les élections régionales et départementales de 2021, certes tenues dans le contexte de l’épidémie de Covid, avaient été négligées par les deux tiers des inscrits. Et en 2022, le second tour des législatives n’avait intéressé que 46,2 % d’entre eux.
Qu’en sera-t-il pour le scrutin de ce 9 juin ? Un sondage Ipsos réalisé les 5 et 6 juin estime la participation à 48 % – un chiffre qui peut encore évoluer d’ici au scrutin. Fin mai, l’Institut national de la statistique a également annoncé l’inscription sur les listes électorales de 2,2 millions de personnes de plus qu’au moment des européennes de 2019. Toutefois, une large partie d’entre elles sont de jeunes adultes inscrits automatiquement au moment de leur majorité, qui pourront se rendre aux urnes… ou pas.
Allures mobilisatrices
Pour expliquer le rebond de participation en 2019, on avait mentionné la montée dans le débat public de sujets liés à l’Europe ou pouvant être efficacement traités au niveau européen, tels que le Brexit, l’immigration ou le climat. Autre facteur, en France : l’installation du macronisme et du Rassemblement national comme les principales forces du pays. Soit deux camps faisant du rapport à l’UE un enjeu central – pour la célébrer et la renforcer côté Macron, pour s’en défier voire la quitter côté Le Pen. De quoi donner aux dernières européennes les allures mobilisatrices d’un vote «pour» ou «contre» l’Europe.
Cinq ans plus tard, la guerre russo-ukrainienne et les ingérences des régimes autoritaires russe et chinois se sont ajoutées aux sujets d’intérêt communautaire. Au niveau national, le chef de l’Etat a de nouveau voulu poser en garant du projet européen, face au RN qui défendrait un «Frexit caché». Mais c’est peut-être aussi l’envie de sanctionner le pouvoir qui rappellera à certains électeurs le chemin des urnes.