Il a longtemps tâté les cordes avant de se décider à monter sur le ring. A six semaines des élections européennes, Gabriel Attal est disposé à débattre face à la tête de liste RN, Jordan Bardella. A quelle date ? Dans quel média ? «Rien n’est totalement calé mais il a dit qu’il était d’accord. Maintenant que le discours du Président à la Sorbonne est passé, il veut entrer dans le game», affirme une ministre à Libération, confirmant une information de RMC.
Dimanche sur France 3, le président du parti d’extrême droite, qui a jusqu’ici esquivé les débats face aux autres têtes de liste, avait lui-même proposé ce face-à-face : «une confrontation démocratique avec le chef de la majorité, notre projet contre leur vision». Leur candidate Valérie Hayer à la peine dans les sondages, les macronistes espèrent qu’un tel duel permettra de souligner les contradictions et le vide politique du chef de file du RN, dilettante du Parlement européen et souriante machine à autographes… mais en pole position des intentions de vote. «On entend : «le RN, on n’a jamais essayé», mais Bardella est eurodéputé depuis cinq ans et a démontré qu’il n’avait rien foutu. Il se contente de faire des selfies alors qu’on essaye d’aborder des thèmes de fond», ajoute la même ministre, citant la «fin de la naïveté économique» de l’Union européenne (UE) et le renforcement d’une défense à l’échelle dui continent évoqués par Emmanuel Macron, jeudi 25 avril à la Sorbonne.
«Le Premier ministre peut faire mieux»
Présenté, à son arrivée à Matignon, comme une «arme anti-Bardella» – même génération, même profil d’étoile montante dans leurs camps respectifs, avec un indéniable sens de la communication et un bon coup droit en débat –, Gabriel Attal qui, lors de la campagne des européennes de 2019 avait souvent affronté son adversaire du RN sur les plateaux, semblait jusqu’alors hésiter à se jeter dans la mêlée. Des atermoiements qui n’ont pas échappé à son camp. «Le Premier ministre peut faire mieux, il n’aime pas trop abîmer son image, Gabriel», grince un cadre du parti présidentiel. Et pour cause, une raclée le 9 juin pourrait lui coûter son poste : «Son angoisse, c’est que son destin soit lié au résultat, il fait tout pour se désolidariser d’une défaite», observe un député Renaissance. Mauvais calcul. «Gabriel n’est pas habitué à côtoyer l’impopularité, mais il a plus intérêt à se mouiller qu’à se planquer», prévient un autre ministre.
Les pro-Attal rappellent que le Premier ministre a déjà ouvert le meeting de lancement de la campagne, le 9 mars à Lille, ou s’est affiché en porte-à-porte, le 24 mars à Issy-les-Moulineaux, dans sa circonscription des Hauts-de-Seine, avec Valérie Hayer. Et depuis ? Son camp fait valoir qu’entre la crise agricole et le creusement du déficit public, les urgences ne manquent pas à Matignon. Attal estimait aussi qu’il fallait d’abord laisser Hayer, peu connue du grand public, sur le devant de la scène, avant de s’impliquer à son tour une fois qu’on entrerait dans le dur. La tête de liste Renew doit elle-même se confronter à Jordan Bardella, jeudi soir sur BFMTV, avant un autre débat avec sept têtes de liste, dimanche 5 mai sur RTL.
«Tout le monde ne joue pas le jeu»
Constatant que la tête de la liste Renew, menacée par son concurrent PS-Place publique Raphaël Glucksmann, peine à redresser la barre, l’Elysée ne cesse de pousser les membres du gouvernement à la soutenir. Lundi 22 avril, lors d’une réunion avec les responsables de la majorité, le secrétaire général, Alexis Kohler, a réitéré l’appel : «Il nous a sorti les chiffres. Pour 35 membres du gouvernement, il y avait eu, dans la semaine, 53 événements de campagne, tout le monde ne joue pas le jeu», déplore un participant. A ceux tentés de se tenir à distance d’un revers électoral, Emmanuel Macron a pris l’habitude de rappeler en Conseil des ministres : «Personne ici n’est protégé. A part votre serviteur…»