Lure, Haute-Saône. Le centre-ville est une départementale enveloppée d’immeubles bas, hachée par des ronds-points indiquant ailleurs où aller. Vendredi. Dans un restau du bord de route à la déco ladre, le soleil de janvier à travers la vitre éclabousse une table où déjeune un vieux couple. La femme déguste un couscous. Cheveux courts argentés, un froncement solide entre les yeux, comme une vis d’angoisse, les lèvres pincées à la courbe tombante autoritaire. Elle rit et sonne le patron, Amidou : «Hein Ami, que t’es comme nous, et que t’es contre les Arabes ?» Lui prétend être «anti-cons» en général et, dans sa bouche, la phrase résonne comme un refrain lassé. Il dit : «Je suis pour tout le monde. Pour moi, on est tous pareils.»
Evelyne est une électrice du Rassemblement national (RN). A 77 ans, l’ancienne artisan taxi, s’apprête à voter Le Pen en avril, comme toujours, comme ses quatre gosses (sauf un), comme ses petits-enfants qu’elle a convertis, comme son époux Michel (80 ans) qui, sinon, dormirait tout seul. «Pourquoi qu’elle voterait Zemmour ?» demande-t-il au sujet de celui qui s’est incrusté dans cette présidentielle et tente, depuis, une OPA sur la manne radicale. Evelyne a la réponse qui fuse : «Jamais ! Pour lui, les femmes, c’est rien. Il veut les laisser à