«Bonjour Boursorama, ça part sur une clôture de comptes pour toute la famille», «Boursorama qui décide d’inviter Marion Maréchal pour qu’elle discute de son programme économique, on en parle ? Je clôture mon compte immédiatement», «Honte à vous de participer à normaliser les figures et les idées d’extrême droite». De nombreux commentaires ont émergé ce lundi 26 février sur X pour fustiger la banque en ligne. En cause, une interview vendredi de Marion Maréchal, tête de liste aux européennes de Reconquête, sur Ecorama, une émission diffusée par le portail informationnel de Boursorama. La société comprend à la fois Boursorama.com, portail d’information économique et boursier, et une banque en ligne, BoursoBank. La nièce de Marine Le Pen déroule pendant trente minutes le programme économique du parti fondé par Eric Zemmour. Son titre : «Il y a un système d’assistanat dans notre pays qui désincite au travail !»
Boursorama, la banque des fascistes. https://t.co/rhfPMQQZDW pic.twitter.com/Tu7DlFQKws
— Marme & lade 🍉 (@Marme_elade) February 25, 2024
L’émission est introduite en posant les questions suivantes : «Quel est le programme économique du parti Reconquête ? A trois mois du scrutin européen quelle économie pour la France, pour l’Europe ?», la présentatrice remerciant ensuite Marion Maréchal «d’avoir accepté notre invitation sur Boursorama». Chantre du privé et pourfendeuse du public, à l’extrême droite toute, Marion Maréchal vilipende, à l’aise, les «dépenses sociales», le «cœur de la dérive de la dépense publique». Avance «la priorité nationale dans l’accès aux aides sociales non contributives», soit, en somme, réserver par exemple «le RSA aux personnes de nationalité française». Avant de s’attaquer au «fiasco» de l’école et de citer une étude de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), think tank ultralibéral, qui assure, selon la candidate d’extrême droite que si «40 % des élèves étaient scolarisés dans le privé, on pourrait imaginer une économie potentielle de près de 10 milliards». Bref, Maréchal à son aise.
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Cette interview n’est pas passée inaperçue. Sur le réseau social X, des centaines d’utilisateurs dénoncent la mise en avant d’un parti d’extrême droite par la société et appellent au boycott de la banque. Contacté lundi par Libération, le service presse de Boursorama indique que le but de l’émission est «de couvrir les prochaines élections européennes», d’être un «média qui se veut neutre». «On veut maintenir un débat équilibré et démocratique, on invite pour cette émission tous les partis politiques, les femmes et les hommes politiques têtes de liste aux européennes ainsi que les responsables syndicaux. Nous ne sommes en rien partenaire d’un parti politique», se dédouane la banque, assurant par exemple que la députée EE-LV de Paris, Sandrine Rousseau, «va venir le 13 mars».
Aurélie Trouvé, Thomas Cazenave et Jean-Philippe Tanguy précédemment invités
Au cours des derniers mois, plusieurs personnalités politiques ont été interrogées par Ecorama. On dénombre ainsi Aurélie Trouvé (députée LFI, ancienne porte-parole d’Attac, le 12 février), Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics, Jean-Philippe Tanguy (député Rassemblement national, le 15 novembre), Nicolas Bay (vice-président de Reconquête, le 7 novembre). Dernièrement, la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon (le 7 février), ou son homologue de Force ouvrière, Frédéric Souillot (le 23 janvier), ont également été invités. Des interviews de personnalités politiques qui restent assez rares, puisqu’Ecorama recueille plutôt la parole de patrons de grandes entreprises ou d’économistes, le plus souvent libéraux.
L’interview de Marion Maréchal a été diffusée sur le site de Boursorama et également mise en ligne sur la plateforme YouTube de la banque, où les vidéos de la chaîne génèrent souvent moins de 10 000 vues. Celle de Marion Maréchal en compile un peu moins de 6 000 ainsi que 28 000 vues pour chacun des deux extraits repostés par Maréchal pour nourrir son compte X. De quoi, sous couvert de neutralité, participer à la dédiabolisation de l’extrême droite dans les cercles économiques.