Menu
Libération
Législatives

«Je ne suis pas allé voter parce que je ne pensais pas pouvoir» : vous êtes peut-être inscrit sur les listes électorales sans le savoir

Alors que le premier tour des législatives aura lieu dans moins de deux semaines, de nombreux électeurs apprennent, à leur grande surprise, qu’ils étaient déjà inscrits sur les listes électorales sans avoir fait de démarche. D’autres, après un déménagement, s’aperçoivent au contraire que leur bureau de vote a été modifié.
En 2022, 7,7 millions d'électeurs étaient inscrits dans une autre commune que celle où ils vivent. (Marie Julliard/Hans Lucas via AFP)
publié le 18 juin 2024 à 11h53

L’annonce soudaine des élections législatives anticipées et le court délai associé pour s’inscrire sur les listes électorales – clos le 11 juin – ont soulevé un flot de questions chez de nombreux électeurs, inquiets de ne pas être en mesure de glisser un bulletin dans l’urne. «Comment on fait pour s’inscrire ?», «C’est trop tard ?», «On doit voter à un endroit précis ?» peut-on par exemple lire en commentaire sous la vidéo du journaliste HugoDécrypte dédiée à ce sujet.

Mais c’est notamment grâce à cette vidéo qu’Amandine, 22 ans, découvre au début du mois de juin qu’elle est en réalité inscrite sur les listes électorales depuis ses 18 ans. Et ce, automatiquement, sans aucune démarche de sa part. «C’est grâce à l’algorithme Instagram que j’ai découvert mon nom sur les listes. Sinon, je ne l’aurais jamais su. Avant ça, je pensais qu’il fallait faire tout un tas de démarches. On ne m’avait jamais rien expliqué, surtout pas au lycée», explique à Libération la jeune femme originaire d’Hellemmes (Nord). Même son de cloche pour Antoine, 20 ans : «Je ne suis pas allé voter à la dernière élection présidentielle parce que je ne pensais pas pouvoir le faire.» Il apprend finalement sur X (anciennement Twitter) qu’il peut exercer son droit de citoyen depuis déjà deux ans.

Une inscription automatique à 18 ans

En effet, les électeurs qui viennent d’avoir 18 ans sont normalement inscrits automatiquement sur la liste électorale de la commune dans laquelle ils ont effectué leur recensement citoyen, à 16 ans. Cette démarche administrative obligatoire permet notamment d’obtenir une attestation indispensable pour passer certains examens et également d’obtenir une convocation à la journée de défense et de citoyenneté (JDC).

«L’Insee vous inscrit automatiquement lorsque vous atteignez l’âge de 18 ans. L’Insee se base sur les informations que vous avez données lors de votre recensement citoyen», détaille le site du gouvernement. L’inscription d’office dès l’âge de la majorité, en vigueur depuis 1997, n’est pas automatique uniquement «si vous n’avez pas fait votre recensement citoyen, ou si vous l’avez fait tardivement», précise la même source. Pour pouvoir voter, «vous devez alors demander à la mairie», poursuit la page de Service-Public.fr, où il est possible de vérifier sa situation.

Par ailleurs, les jeunes citoyens qui fêteront leurs 18 ans entre le 10 juin et le 6 juillet et qui ne seraient pas inscrits sur les listes se voient octroyer un délai supplémentaire. Ils ont jusqu’au jeudi 20 juin pour effectuer leur demande en mairie. Aussi, cette démarche d’office ne concerne pas seulement la nouvelle génération. Toutes les personnes ayant acquis la nationalité française depuis 2019, quel que soit leur âge, sont également automatiquement inscrites.

«Dès que j’ai su que j’étais inscrite – c’était juste avant les européennes – je suis allée voter», se réjouit ainsi Amandine. La jeune femme s’est rendue pour la première fois dans l’isoloir le 9 juin, et réitérera l’expérience pour ce prochain scrutin estival. Elle pointe pourtant un manque d’informations criantes à ce sujet. Une méconnaissance générale dont a également pâti Léa (1), 21 ans. Pour pouvoir voter aux élections européennes, elle décide en effet de s’inscrire sur les listes électorales… sans savoir que son nom y figurait déjà, dès sa majorité. Ironie du sort : cette «deuxième inscription» la radie automatiquement des listes, et l’empêche de voter pour les prochaines élections. Car pour pouvoir voter, un citoyen doit être inscrit sur une – et une seule – liste électorale. «Pourquoi personne ne m’a expliqué ça ?» fulmine-t-elle.

Une radiation surprise

En parallèle de ces inscriptions d’office découvertes par surprise, d’autres électeurs ont quant à eux subitement appris avoir été radiés des listes de leur commune d’origine après un déménagement, alors qu’ils continuaient de s’y rendre par habitude pour voter. Ce sans pour autant s’être réinscrits dans un nouveau bureau de vote. Car pour rappel, la réinscription n’est pas automatique lorsqu’on change de résidence, et chaque électeur doit entreprendre lui-même de nouvelles démarches. En 2022, ils étaient ainsi 7,7 millions à être «mal inscrits» – autrement dit, leur bureau de vote précédent n’a pas changé et se trouve potentiellement loin de chez eux.

Le processus de radiation des listes électorales est néanmoins un processus légal. Depuis 2019, l’Insee radie ainsi, de manière automatique, les personnes décédées, déchues de leurs droits civiques, qui ont perdu la nationalité française, et surtout celles qui se sont inscrites dans une autre commune suite à un déménagement. «Le maire est compétent tout au long de l’année pour radier, à l’issue d’une procédure contradictoire, les électeurs qui ne remplissent plus les conditions d’attache communale pour être inscrits sur une liste électorale», précise aussi l’institution.

S’il prend la décision de faire disparaître un citoyen des listes électorales, la personne radiée doit être notifiée par courrier «dans un délai de deux jours». Cette dernière a la possibilité de contester l’arbitrage en déposant un recours, alors examiné par une «commission de contrôle». Des électeurs ayant déménagé, mais qui avaient gardé l’habitude d’aller voter dans leurs anciens bureaux de vote, ont donc appris cette nouvelle à leurs dépens au moment du scrutin européen.

(1) Le prénom a été changé.