Swipe, un animal mignon, swipe, la nouvelle danse à la mode, swipe, Joe Biden. Le président américain a rejoint TikTok dimanche 11 février, en postant sur le compte @bidenhq une première vidéo de 26 secondes atteignant plus de 4 millions de vues dès le lendemain. Un choix qui va à l’encontre des prises de position américaines contre la plateforme, mais que le président de 81 ans n’est pas le seul politique à faire pour se donner un coup de jeune.
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«Kansas Chiefs ou San Francisco 49ers ? Le match ou le spectacle de mi-temps ?» Quelques autres questions du même genre. Puis «Trump ou Biden ?» Réponse du président et candidat à sa propre succession : «Vous rigolez ? Biden.» L’interrogation liée au Superbowl laisse vite place à une communication électorale qui ne fait pas dans la subtilité. Au passage, la vidéo ne manque pas de sous-entendre avec humour un potentiel match truqué en faveur des Chiefs – où joue Travis Kelce, petit ami de Taylor Swift – afin de surfer sur la notoriété de la popstar et son soutien à Biden.
Les politiques à l’assaut de TikTok
Stratégiquement compréhensible, ce choix peut toutefois surprendre au vu de la relation tempétueuse entre l’application du géant chinois ByteDance et les Etats-Unis. Démocrates comme républicains ont maintes fois dénoncé TikTok comme un outil de propagande pour le régime chinois. Si bien que l’application est interdite sur certains appareils officiels du gouvernement américain, par crainte pour la sécurité nationale.
Les réactions de l’opposition ne se sont pas fait attendre. Biden aurait rejoint une «dangereuse application de propagande du parti communiste chinois», selon la sénatrice républicaine Joni Ernst sur X (ex-Twitter). «Rien de tel que de donner au parti communiste chinois l’accès à toutes les données d’une campagne présidentielle. Porte ouverte à des opérations d’ingérence !», a quant à lui critiqué l’élu conservateur à la Chambre des représentants Mike Waltz. Côté gouvernement aussi, l’inquiétude subsiste. John Kirby, l’un des porte-parole de la Maison blanche, a confirmé «des préoccupations concernant l’utilisation de TikTok sur des appareils du gouvernement» en termes de «sécurité nationale».
Difficile pour autant d’ignorer complètement la portée d’une telle plateforme en matière de communication. «L’opinion est façonnée par cette chose, que vous l’utilisiez ou non», explique au New York Times Teddy Goff, conseiller de Barack Obama puis de Hillary Clinton lors des élections de 2012 et 2016. En décembre, le directeur adjoint de la campagne de Biden estimait pourtant encore que «le fait d’avoir un compte TikTok ne ferait pas une différence substantielle» pour la campagne. Deux mois plus tard, revirement complet. L’application a convaincu le président démocrate, comme bien des politiques avant lui.
Emmanuel Macron, Giorgia Meloni, Viktor Orbán… Plusieurs chefs d’Etats s’étaient déjà laissés tenter par l’application chinoise. Le paysage politique français aussi : le président donc (4,1 millions d’abonnés), Jean-Luc Mélenchon (2,2 millions d’abonnés) et Jordan Bardella (1,1 million d’abonnés) se font remarquer avec leurs fanbases à sept chiffres. Et le créneau a de quoi susciter l’intérêt, quand 55 % des utilisateurs français de l’application sont âgés de moins de 25 ans selon Statista, et que 41 % des 18-24 ans n’ont pas voté au premier tour lors de la présidentielle 2022, selon une enquête Ifop. Ou quand Jean-Luc Mélenchon, deuxième homme politique français en nombre d’abonnements sur TikTok, a été assez largement préféré par les moins de 34 ans lors de la dernière présidentielle (33 % de voix, contre 25 % pour Marine Le Pen).
La proximité offerte par les réseaux
L’Indonésie, en pleine période électorale avec une présidentielle ce mercredi 14 février, s’est pleinement emparée du phénomène. Dans un pays où les moins de 40 ans représentent plus de la moitié des quelque 205 millions d’électeurs, le favori Prabowo Subianto, 72 ans, et ses deux rivaux quinquagénaires, Anies Baswedan et Ganjar Pranowo, ont multiplié les messages sur TikTok et les autres plateformes à même de faire basculer le vote jeune. Le tout en jouant le jeu de ce genre de réseaux – quitte à dépolitiser le propos d’une élection – en se mettant en scène dans une imitation de Top Gun, ou avec quelques pas de danse.
La pratique peut faire tiquer, mais contribuerait à renforcer un sentiment de proximité essentiel au militantisme, explique l’étude «TikTok comme plateforme clé pour l’expression politique des jeunes» : «Lorsqu’ils se forgent une opinion sur des sujets politiques, les jeunes se soucient beaucoup de ce que pensent leurs pairs, et TikTok est l’un des principaux endroits où leurs pairs parlent de politique aujourd’hui», peut-on lire. L’intérêt des candidats pour TikTok est donc fondé, pour peu qu’ils comprennent les besoins et envies du jeune public visé.
Mis à jour le 13 février à 11h10 : Ajout des réactions des politiques américains