Mains dans les poches, dos au mur, cigarettes : les petits nouveaux se cherchent une contenance. Septembre 2013, devant le campus de Clignancourt, dans le nord de Paris. C’est la rentrée des étudiants. Plus âgés, les militants politiques repèrent les proies faciles, comme ce jeune homme aux cheveux bruns coupés ras. Il débarque de Seine-Saint-Denis pour débuter sans conviction une licence de géographie. Un gars de l’UNI l’aborde : «On est un syndicat de droite, on défend l’identité française», commence-t-il, quand une militante de l’Unef lui dispute sa cible : «Ne prends pas son tract, c’est un facho !» Le nouveau fait vite son choix. Il fixe l’étudiante de gauche : «Si c’est ça, je prends son tract à lui.» Pierre Gentillet, militant à l’UMP, vient de recruter à l’UNI Jordan Bardella, qui a tout juste renouvelé sa première carte du Front national.
Neuf ans plus tard, on retrouve nos jeunes gens dans la grande salle Victor-Hugo, à l’Assemblée nationale. Le 6 octobre, le Rassemblement national (RN) y organise un colloque pour son cinquantième anniversaire. Bardella a depuis longtemps plaqué sa licence de géo mais il est assis au premier rang, à la droite de Marine Le Pen dont il pourrait prendre