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Présidentielle

Le Pen-Ménard: le temps des retrouvailles

Le Pen-Zemmour : la course de Front à la Présidentielledossier
La candidate du Rassemblement national s’est rendue à Béziers ce vendredi pour y rencontrer le maire, élu avec le soutien de son parti. L’occasion de mettre de côté les rancœurs passées pour rassembler la droite extrême en vue de la présidentielle.
Marine Le Pen a rencontré Robert Ménard, maire de Béziers, lors de son déplacement dans la ville héraultaise ce vendredi. (David Richard/Transit pour Libération)
par Nicolas Massol et photos David Richard. Transit
publié le 7 janvier 2022 à 19h27
(mis à jour le 7 janvier 2022 à 19h28)

Sont-ce les arcs brisés du cloître gothique ou bien les jardins de l’évêché surplombant le cours tranquille de l’Orb, ses jolis ponts en pierre et ses écluses pittoresques ? Vendredi matin, à Béziers (Hérault), Marine Le Pen se sent comme portée à la philosophie et à la sérénité. «Je crois que le signe chinois [en réalité un mot composé de deux signes, ndlr] de “crise” signifie aussi “opportunité”», médite-t-elle aux côtés de Robert Ménard, maire de la ville élu avec le soutien du RN et tour-opérateur de la journée. La réflexion porte sur le tourisme intra-national, perçu comme une chance pour pallier l’assèchement des visiteurs étrangers avec la crise sanitaire. Mais elle s’applique bien, aussi, à l’opération politique qu’entend réaliser la candidate d’extrême droite pour son premier déplacement de campagne de l’année. A savoir : démontrer sa capacité à rassembler derrière elle des personnalités n’ayant jamais hésité par le passé à lui casser du sucre sur le dos et à douter bruyamment de ses chances de l’emporter à la présidentielle. A l’instar de Robert et de son épouse Emmanuelle Ménard, députée du coin, qui vient par exemple de voter en faveur du pass vaccinal quand Marine Le Pen, elle, a bataillé contre.

Par cette belle matinée ensoleillée, quoique un peu frisquette, les motifs de fâcherie glissent sur les trois tourtereaux. Tout est pardonné. «Je ne suis pas un modèle de mesure, j’ai eu des mots difficiles, injustes à ton égard», confesse Ménard, qui lui offre son parrainage de maire. «Il faut être capable de passer au-dessus de soi-même : c’est justement parce que Robert a été critique que le symbole est très important», l’absout sainte Marine, qui professe sa volonté de former un «gouvernement d’union nationale». On en oublierait presque que tout ce que le RN a pu compter un jour de nuances idéologiques a été consciencieusement purgé par les proches de la patronne.

La fille de Jean-Marie Le Pen, candidate autoproclamée de «l’unité du peuple français», s’érige en parangon de modération et fustige un Macron «pyromane» et une Pécresse pratiquant le «gros rouge qui tache». Ménard exulte, estime que ses conseils ont été entendus. «Le RN n’est pas le FN […], il y a quelques années, tu étais plus clivante, tu fais une campagne très différente de celle de 2017. Aujourd’hui je suis à tes côtés», applaudit-il, justifiant ainsi son soutien à Le Pen plutôt qu’à Zemmour, accueilli pourtant chaleureusement à Béziers fin octobre lors de la tournée politico-littéraire qui a précédé sa candidature. Le concurrent d’extrême droite est jugé trop clivant et trop obsédé par la seule question migratoire. «La politique, ça ne se réduit pas à une question, ce n’est pas vrai», rétorque-t-il à son «ami» persuadé que la présidentielle se gagne en imposant une problématique à laquelle on propose une réponse.

Pour le prouver, Ménard et Marine le Pen se sont concoctés vendredi une cavalcade assez hétéroclite, allant de la visite d’une école Samuel-Paty en construction à la rencontre de vignerons dans une cave coopérative des environs, en passant par la visite de la cathédrale Saint-Nazaire-et-Saint-Celse et de la fête foraine des allées Paul-Riquet – les Champs-Elysées biterrois. En résulte un tournis un peu déboussolant : la candidate soulève la question de l’industrie du tourisme sur un chantier scolaire et aborde l’évanescent concept de «démétropolisation» (dada de son entourage) au pied de l’ancien palais de justice bientôt reconverti en musée municipal. Si elle évoque en passant «l’immigration anarchique», cause selon elle de l’insécurité (un gamin a mis le feu à une école dans un quartier populaire de Béziers en 2019), elle revient sans cesse sur le thème de «l’aménagement du territoire» et de la relation vague que doivent nouer «l’Etat-stratège» et les collectivités locales. De quoi amadouer le très girondin Ménard. A défaut de marquer les esprits.